Psychologie du développement

3. Orientation psychanalytique

 

3.3. Le concept d'attachement

    3.3.1. La théorie de Bowlby

            Dans les années 60’s, beaucoup de chercheurs ont contesté le lien entre attachement et nourrissage. Selon eux, l’attachement ne se construit ni par étayage sur la relation de nourrissage (cf. les théories freudiennes d’après lesquelles, le lien à la mère, ou à la personne qui en est le substitut, s’étaie sur le besoin de nourriture), ni par apprentissage mais serait à lui seul un processus primaire, le besoin d’amour.

            La théorie de l’attachement s’est servi des travaux de Spitz sur l’hospitalisme[1], des expériences de HARLOW et d’un certain nombre de concepts de l’éthologie (Konrad LORENTZ), de ses arguments et de ses théories, tels que :

- la période critique : la période pendant laquelle peut se faire l’attachement. Selon Bowlby[2], elle n’existe pas aussi clairement chez l’homme que chez l’oison. D’après lui, cette période sensible existe au moment où se manifeste l’angoisse de séparation.
- l’empreinte :  elle correspond au phénomène de naissance de l’attachement pendant la période critique. Pour Bowlby, une des variables déterminantes pour le développement de l’attachement est l’attitude maternelle.
- le socius : le processus fondamental qui consiste à se tourner vers l’autre dès la naissance. Pour Bowlby, l’attachement se fonde sur une disposition innée au social.

            Harlow a montré que ce qui était important, c’est le contact physique et non le nourrissage. Une expérience a révélé que les bébés singes qui se sentent en sécurité, malgré que ce soit la maman fil de fer qui les nourrit, se blottissent contre la maman chiffon. Ils utilisent celle-ci comme base d’exploration et y passent plus de temps. Ainsi, selon Harlow, il y a 4 variables dans l’attachement :
    -         le réconfort du contact
    -         la température
    -         l’allaitement
    -         le mouvement.

            Bowlby a, parallèlement, essayé de trouver les comportements de base qui constituent la « pulsion d’attachement » et auxquels la mère doit répondre, sous peine de carences aux effets irréversibles (cf. l’autisme). Ces conduites construisent le lien mère/enfant[3]. Il s’agit de :
    -         la succion
    -         l’étreinte
    -         le fait de suivre (du regard, au cours du 1er mois)
    -         le fouissement (chercher le creux du cou,...)
    -         les pleurs
    -         le sourire

        Ces comportements ont en commun d’avoir comme résultats prévisibles le maintien ou l’accroissement de la proximité maternelle. Que l’entourage réponde adéquatement aux signaux de l’enfant est essentiel à son sentiment de confiance et de sécurité et il affrontera d’autant mieux les séparations et épreuves ultérieures. En effet, la régularité des comportements des figures d’attachement permet d’organiser peu à peu les expériences d’interactions en « schémas d’être avec » qui permettent de construire des attentes par rapport à la nature des interactions avec la figure d’attachement. Par exemple, l’expérience d’être consolé et pris dans les bras après un chute conduit à attendre que la détresse suscite le réconfort et la réassurance. Ces attentes sont intégrées dans des représentations mentales : les modèles internes opérants (MOI). Ces MOI, qui synthétisent les expériences passées, sont construits au cours des premières années, à partir d’expériences réelles et portent à la fois sur la figure d’attachement, sur la manière dont elle répond lorsqu’elle est sollicitée, et sur le sujet lui-même et sa capacité à susciter l’attention de la figure d’attachement. Le sentiment de sécurité est donc le fruit au niveau émotionnel de l’obtention de la proximité ou de la disponibilité de la figure d’attachement.

            De plus, Bowlby défend l’idée que, grâce à la proximité maternelle et à sa disponibilité[4] (responsiveness), les acquisitions de l’enfant sont bien meilleures et beaucoup plus nombreuses. L’interaction dense entre l’enfant et sa mère accentue le développement cognitif, ce qui induit un développement des interactions sociales ultérieures. Il dégage les étapes suivantes :
    -         de 0 à 2-3 mois : il n’y a pas de discrimination entre les gens même si l’enfant se tourne vers eux ;
    -         de 2-3 mois à 6 mois : l’enfant répond de façon préférentielle à une figure précise, on parle de particularisation ; il prend de plus en plus souvent l’initiative du comportement d’attachement et de l’interaction sociale;
    -         jusqu’à 2 ans : l’enfant prend une part active dans le maintien de la proximité grâce à la locomotion ; discrimination de plus en plus marquée et nette préférence pour la figure d’attachement (période sensible) ;

après 2 ans : l’enfant acquiert la capacité de coopération (faire avec, jouer avec,...) et la capacité méta-représentative,  c’est-à-dire la capacité de deviner les buts et les intentions de son partenaire. Une interaction complexe se développe alors dans laquelle les deux partenaires ont une compréhension intuitive des sentiments et motivations de l’autre. Cette nouvelle compétence intervient dans la négociation des conflits.

 

[1] Lorsque les enfants sont élevés en l’absence complète de leur mère dans une institution où les soins leur sont donnés de façon anonyme et sans qu’un lien affectif puisse s’établir, on constate les troubles graves que Spitz a groupés sous le nom d’hospitalisme : retard du développement corporel, de la maîtrise manipulatoire, de l’adaptation au milieu, du langage ; résistance amoindrie aux affections ; dans les cas les plus graves, marasme et mort. Il s’agit d’une carence affective totale à différencier de la dépression anaclitique, qui, elle, est consécutive à une privation affective partielle chez un enfant qui avait bénéficié jusque-là d’une relation normale avec sa mère, et elle peut cesser une fois la mère retrouvée.
[2] BOWLBY, J., Attachement et perte, PUF, Paris, 1978.
[3] Les Troubles de l'Attachement sont une affection mentale qui peut toucher des enfants victimes d'une rupture du lien mère-enfant, rupture qui trouve son origine dans des événements traumatiques de la toute petite enfance (avant l'âge de 18-24 mois.) Pour ce qui concerne la rupture, il ne faut pas se centrer exclusivement sur l'adoption où celle-ci est évidente. Il existe en effet également un risque de cassure chez d'autres enfants suite à des situations comme la maladie de la mère ou de l'enfant, une grossesse difficile, un séjour de l'enfant en couveuse, le décès de la mère, le placement précoce de l'enfant en famille d'accueil ou en institution, …
[4] A partir de 3 ans et chez l’adulte, c’est la disponibilité de la figure d’attachement qui devient le but assigné du système comportemental (tous les comportements qui permettent d’atteindre le but). Cette disponibilité est définie par les trois éléments suivants :
    -          la confiance dans le fait que les lignes de communication avec la figure d’attachement sont ouvertes ;
    -          la confiance dans le fait que l’accessibilité physique est possible ;
    -          la confiance dans le fait que la figure répondra si elle est appelée à l’aide.
C’est la notion de responsiveness qui correspond à l’accessibilité psychologique.

 

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