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Isabelle LEVERT

Psychologue clinicienne

Psychothérapeute

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Le burn out parental

Du cercle vicieux au cercle vertueux

 

illustration article burn out parentalLe burn out parental. De quoi s'agit-il  ? Quelles sont ses manifestations  ? De quels problèmes est-il symptomatique  ? Cet article répond à ces questions pour lèver le voile sur un sujet trop souvent tabou.

Les termes de burn out parental qualifient une situation d'épuisement psychique et/ou émotionnel d'un parent, mère ou père (et quelquefois les deux), qui ne parvient pas ou plus à répondre aux besoins de son enfant ou de ses enfants. Il y a comme un paradoxe incompréhensible qui consiste à aimer son enfant mais à ne plus le supporter.

Il ne doit pas être confondu avec la dépression du post-partum.

Il se manifeste de différentes manières  :

Le burn out parental présente de véritables risques  :

Plusieurs facteurs peuvent contribuer à alimenter le cercle vicieux  :

  1. Tout donner mais ne pas donner ce qui convient
  2. Convaincus de donner le meilleur à leurs enfants, ces parents se sont, dès le début, plier en quatre pour faire plaisir à leur enfant. Ils l'ont beaucoup gâté, très peu frustré car ils n'ont pas posé de limites ou trop peu. Ils ont parfois pensé qu'ils avaient bien le temps pour cela. Ce faisant, ils ont vite été dépassés par celui ou celle qui se comporte maintenant comme un petit tyran.

    L'enfant comprend très tôt ce pattern interactionnel dans lequel il peut prendre le contrôle. Quand il n'obtient pas ce qu'il veut, il se montre mécontent ou triste et il peut même croire qu'il est malheureux, ce qui met à mal son parent. Ce dernier va tout mettre en œuvre pour que sa progéniture soit à nouveau satisfaite. Résultat  : l'enfant mène son parent par le bout du nez, et ce dernier est de plus en plus fatigué. Ni l'un ni l'autre n'est à la bonne place, ce qui est néfaste à la structuration psychique. Bien des immaturités psycho-affectives chez les adultes découlent de ces errements. Un exemple pour illustrer  : l'enfant se réveille la nuit et finit dans le lit conjugal tandis que l'autre parent va dormir dans le petit lit.

    Winnicott, pédiatre psychanalyste, bien connu des psychologues, parlait de mère «  good enough  », c'est-à-dire d'une figure d'attachement suffisamment bonne pour s'ajuster au fur et à mesure que l'enfant a moins besoin d'elle, capable de lui permettre d'introjecter la contenance émotionnelle, rôle qu'elle remplissait pour lui et qu'il va devoir apprendre à remplir lui-même.

    Il est vertigineux et dommageable pour un enfant de ne pas rencontrer de limite, de constater que ses propres pulsions gouvernent son monde.

  3. Les tentatives désespérées
  4. Elles peuvent être de plusieurs ordres mais ont toutes en commun d'alimenter le cercle vicieux et de donner toujours plus de pouvoir à l'enfant.

    Ne parvenant pas à être écouté, le parent tente d'acheter la paix. «  Si je t'accorde ça, en échange tu seras sage  ?  », «  Si je te laisse jouer encore au ballon, tu rangeras ta chambre ensuite  ?  ». Il arrive que ces petits arrangements ne soient même pas amenés par une question mais comme une affirmation dotée d'un pouvoir magique de réalisation. «  Bon, ok, tu termines ta partie mais après je compte sur toi pour étudier tes leçons  »...

    La récompense d'abord, l'effort en second. C'est tout à l'envers. Quand Freud a parlé du principe de plaisir et du principe de réalité, il voulait souligner l'importance d'apprendre à consentir à un déplaisir pour obtenir une prime de plaisir plus tard. Le paysan cultive son jardin pour récolter des fruits et des légumes. L'ouvrier travaille à l'usine pour recevoir un salaire à la fin du mois. Etc.

    Certains parents entrent dans un marchandage avec l'enfant. Certes, quand on demande à un enfant combien de bonbons il veut pour obéir, cela lui apprend l'art de la négociation mais cela le positionne à une place qu'il ne devrait pas occuper, d'égal à égal avec l'adulte. Or, il a besoin d'être protégé de lui-même. Rencontrer des limites est ce qui sécurise l'enfant. S'il mange trop de sucreries, son foie va dire stop, s'il ne fait pas la sieste, il sera grincheux, s'il se couche trop tard, il ne pourra pas être attentif en classe, etc. Le devoir d'un parent est de veiller au bien de l'enfant jusqu'à ce que celui-ci soit capable de faire cela pour lui-même. La difficulté commence quand l'un et l'autre doutent du bien fondé de la complémentarité de leurs positions respectives. L'enfant conteste l'autorité du parent et le parent insuffisamment assuré dans sa fonction de tuteur de développement lâche la bride. Le courant de l'éducation positive, mal compris, a fait des dégâts.

    Des parents vont recourir à de bonnes méthodes mais, trop facilement déstabilisés et/ou culpabilisés vont y renoncer. Les enfants intègrent cela extrêmement vite. Chaque fois qu'un parent cède du terrain, il indique à l'enfant que s'il insiste un peu plus, il obtiendra gain de cause.

    Dans certaines familles, les parents perdent pied face à leur enfant qui imite leurs essais infructueux. «  Tais-toi  », «  Puisque c'est comme ça, va dans ta chambre  », «  Tu seras puni  », dit-il, dès lors que les choses ne se déroulent pas comme il veut. L'irrespect est à son comble. Les parents sont désillusionnés, eux qui pensaient avoir mis toutes les chances de leur côté pour qu'il grandisse bien. Ce n'est pas ainsi qu'ils avaient imaginé leur vie de famille. Dépités, ils interrogent l'enfant sur ce qu'ils devraient faire pour qu'il les écoute. La réponse peut être intéressante mais quand on leur répond  en substance  : fiche-moi la paix et ça ira mieux, le désespoir monte d'un cran supplémentaire. Dans ces situations, ce n'est pas l'enfant qu'il faut consulter mais un.e psychologue.

  5. Des règles qui changent tout le temps
  6. Un coup, c'est oui, un coup, c'est non, sans que rien n'indique une différence dans le contexte pour que ce changement ait un sens. Un enfant a besoin de stabilité pour se repérer dans son environnement.

    Plus l'enfant est jeune, plus les consignes doivent être simples et plutôt immuables. Par exemple, un père avait donné un livre qui ne le passionnait pas à sa fille de 15 mois pour éviter qu'elle ne se balade dans la maison avec le roman que sa mère était en train de lire. Je lui ai fait remarquer qu'à cet âge, il serait étonnant qu'elle discerne l'un de l'autre auteur et il comprit que ce n'était pas judicieux de laisser sa fille emprunter les livres des adultes.

    Petit, un enfant n'est pas en capacité de comprendre ce qu'est un régime d'exception. En grandissant, il disposera d'arguments pour discuter les règles, tenter de les assouplir et surtout, il aura intériorisé un grand nombre d'entre elles. Par exemple, il ne sera plus nécessaire de lui interdire de toucher le poêle à bois car il aura appris qu'il se brûlerait s'il mettait la main dessus.

  7. Un niveau d'exigence trop élevé

Le parent s'active sur tous les fronts pour être un parent parfait. La raison de cela  ? La peur du jugement des autres et/ou la conviction que pour être aimé(e) il faut cocher toutes les cases.

Un logement bien tenu, toujours rangé, impeccablement nettoyé, les lessives faites sans tarder, des repas concoctés à la maison avec des aliments sains, un enfant toujours bien habillé de vêtements sans tâche, qui fait bien ses devoirs et apprend ses leçons en temps et en heure, qui n'est jamais laissé devant les écrans, à qui l'on propose de nombreuses activités... Résultat  : un parent qui ne s'arrête jamais, qui court dans tous les sens et qui finit sur les rotules, épuisé. Et quand l'énervement arrive, le ton monte, les mots peuvent être durs, la culpabilité suit inévitablement. L'objectif inatteignable conduit immanquablement à l'échec. Au bout du compte, l'enfant et le parent sont malheureux.

Un peu de souplesse aurait permis de s'ajuster mieux à l'énergie dont on dispose. Ce dont les uns et les autres ont besoin est un foyer où il fait bon vivre et non pas un foyer tiré à quatre épingles.

La situation s'enkyste en général quand la solution imaginée est justement ce qui renforce le problème.

Il existe également des situations qui rendent l'exercice de la parentalité plus difficile, voire très difficile  :

Quelles solutions  ?

Il est souvent nécessaire de revoir ses représentations de la parentalité. Croire qu'il existerait une façon parfaite d'être parent est une illusion totale. Les réseaux sociaux, avec la publication de photos de familles idéales, participent à nourrir des représentations erronées de ce que devrait être une famille. Ce que les gens montrent n'est pas la réalité.

Il est parfois indispensable de creuser un peu plus pour identifier les obstacles qui empêchent de fonctionner de façon plus harmonieuse, de lâcher une volonté de contrôle ou, au contraire, de poser les limites bénéfiques à soi-même et à l'enfant... Par exemple, il peut être utile de retrouver l'origine d'une peur que l'enfant se sente abandonné pour différencier sa situation de celle du parent lorsque lui-même était enfant et pouvoir enfin confier sa progéniture quelques heures ou quelques jours à ses grands-parents, oncles et tantes, etc.

Lorsque soi-même on change, on modifie le système familial car, lorsqu'on se positionne autrement, on oblige l'autre à jouer un scénario différent. En opérant les changements indispensables, on peut transformer le cercle vicieux en cercle vertueux.

 

Bibliographie

*LEVERT, I., Les violences sournoises dans la famille. Paris, Robert Laffont, coll. Réponses, 2016.

Isabelle LEVERT
Psychologue clinicienne
Psychothérapeute

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