Psychologie du développement

3. Orientation psychanalytique

3.8.2. Le ça

En même temps que la mère érotise l’enfant, elle lui présente la limite. Le passage à une liaison stable et définitive résulte du perçu par l’enfant du danger, d’un excès de sens incestueux (qui ne se résume pas à un comportement génital avec la mère). L’enfant perçoit qu’à persévérer dans cette zone de jouissance interdite, il risque de perdre l’amour maternel. Il y a prise du langage sur la Jouissance. Le langage vient modérer la Jouissance.

Cette liaison fait l’objet du refoulement originaire (RO) et avec lui sont refoulés aussi tous les représentants labiles. Le ça est l’Ics de 1ère génération. Cette représentation est plus proche de l’affect que d’une représentation très élaborée. Freud a dit que ce qui constitue le contenu du RO est un pur quantum d’affects, estampillé par le signifiant de la loi oedipienne passé grâce au discours maternel (aussi un geste, ...). Un coup de ciseaux est donné dans la jouissance indifférenciée. “C’est à tout jamais non reconnu” (Freud). Le ça a quelque chose d’ombilical car le passage est obturé et définitivement perdu. A partir du RO, il y a une division (spaltung) dans la psyché entre ce qui est admis dans le Cs et ce qui en est exclu.

Ces traces restent vivantes et émettent des rejetons qui sont de l’ordre du même. Ils concernent une jouissance toute comme impossible. Ces rejetons sont constitués d’excitations pulsionnelles et de représentations psychiques. “Les rejetons du ça sont des photographies du modèle qu’on n’a plus” (Leclaire). Ce sont des Rch (restes visuels), soit des représentations du modèle qui concernait la jouissance de la chose (images visuelle, gustative, olfactive, tactile - objets a = regard, voix, sein, fèces). Le ça échappe à toute représentation. Il faut un minimum d’Imaginaire pour symboliser le Réel et le Symbolique permet à l’Imaginaire de ne pas délirer.

Quand ces représentations sont trop proches du modèle, elles sont refoulées. Ces refoulements secondaires, successifs (“L’Ics est structuré comme un langage” (Lacan)) donnent l’Ics de 2de génération, qui fonctionne selon le processus primaire. Les représentations refoulées sont toujours des représentations partielles de pulsions partielles. Le rôle du surmoi est d’empêcher ces rejetons d’advenir. C’est la force refoulante. Il y a aussi une force d’attraction, le refoulé originaire. Si le surmoi est féroce, il stérilise le moi de tout travail de construction psychique. Il est nécessaire qu’il y ait une perméabilité minimum entre instances pour nourrir le fantasme.

Le ça est le modèle à partir duquel on court après cette jouissance perdue en espérant trouver pareil. La libido est l’énergie mise dans la quête de l’impossible. Le désir résulte de la compulsion de répétition. La rencontre avec la Loi contraint la quête à changer d’objet, le sujet à faire des deuils et à construire des objets de retrouvaille (sur lesquels on porte des jugements d’existence et d’attribution), des objets de jouissance substitutive afin d’apaiser la tension, née de l’insatisfaction. L’usine dans laquelle s’effectue tout ce travail, c’est le fantasme. Accepter de faire avec du semblant, c’est se situer du côté d’Eros (ce qui est possible en préservant des zones - aire transitionnelle - pour rêver (s’affranchir du regard) et qui diffère du délire (s’affranchir des lois)) ; refuser, c’est être du côté de la pulsion de mort, Thanatos.

“L’objet a, c’est ce à quoi j’ai dû renoncer comme organe pour me constituer comme sujet de ma parole. C’est le prix que j’ai payé pour entrer dans le monde du langage. A partir du moment où j’y ai renoncé, il fait manque définitivement, il vaut même comme symbole du manque.” (Lacan).

Le compter 0111... être 1 parmi d’autres 1. Quand la Jouissance est retranchée (RO), elle compte pour 0, ce qui n’est par rien. 0 vient signifier le manque, ce qui est interdit de connaissance. - φ, pur signifiant du manque, c’est une autre façon de dire que le sujet est divisé. Lacan démembre le ça en objets a, ces éclats de jouissance perdue sans qu’on en ait de représentation, a car :

-         à l’origine de la parole, la 1ère lettre de l’alphabet appelle les autres : les refoulements secondaires concernent des représentations qui se sont construites au plus près de la lettre qui a outillé le 1er refoulement. C’est pourquoi la compulsion de répétition est liée au langage. Il y a appel de ce signifiant auquel les autres s’articulent. La chaîne de signifiants constitue la matrice de représentations inconscientes de l’objet du désir.

L’objet parti ne peut être nommé que par une lettre car en aucun cas la photo ne sera le modèle, le ça reste du réel. Jamais un objet du désir n’équivaudra à un objet a mais l’objet du désir procède du deuil de l’objet a, du deuil du réel de la jouissance perdue. Ma vie commence par un deuil. Quand je parle, je pioche dans le trésor des signifiants mais jamais ils ne me représentent complètement si bien que je recommence... Le sujet du désir court de signifiant en signifiant.

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