Psychologie du développement

3. Orientation psychanalytique

 

3.1. La construction de l’objet selon Spitz

Selon cet auteur[1], l’objet du désir ne préexiste pas, il doit se construire. Cette construction se fait selon une succession de stades. Les organisateurs permettent de repérer le passage d’un stade à un autre.

-                     Stade an-objectal (0 – 2 mois) : Au début de la vie, il n’y a pas d’objet distinct du sujet. On parle d’une situation d’indifférenciation, c’est-à-dire que ce qui est moi n’est pas différencié de ce qui ne l’est pas. L’enfant ne perçoit pas la différence entre lui et sa mère, entre le dehors et le dedans. Il est dans la continuité. Toute l’énergie pulsionnelle de l’enfant est centrée sur lui-même, sur ses affects. Le vécu de l’enfant se caractérise par l’alternance d’états de plaisir et de déplaisir, de veille et de sommeil, etc. La situation de nourrissage prend toute son importance puisque les relations avec la mère s’établissent à partir des sensations organiques de l’enfant. Il pleure quand il a faim pour liquider une tension de l’organisme. Ces pleurs sont interprétés par la mère comme un signal. C’est en vivant ce décodage par la mère que l’enfant donne du sens à ses cris. C’est la construction de la signification. Dès le 1er mois, la voix de la mère calme l’enfant parce qu’elle est devenue l’indice et bientôt le signal de ce que l’enfant attend, à savoir le sein et le lait maternel.

 

-                     Stade de l’objet précurseur (2 – 6 mois) : L’univers de l’enfant commence à se différencier. A ce stade, on observe les premiers sourires-réponses à une gestalt-signal, tel que le visage humain qui est devenu pour l’enfant une forme annonciatrice de plaisir. C’est le 1er organisateur dans le développement du sujet. On parle de gestalt car ce que l’enfant perçoit, ce n’est pas un visage très défini, c’est une forme, un pré-objet. La réponse à ce pré-objet témoigne de ce que le monde extérieur commence à se différencier du monde interne. On parle également à ce stade de moi-primitif, soit d’un moi en devenir.

 

-                     Stade objectal (6 – 12 mois) : L’objet d’investissement des pulsions est distingué par l’enfant. Il se détourne d’un visage qui n’est pas familier. Celui-ci est même générateur d’angoisse, ce qui fera dire à Spitz qu’il s’agit d’une peur de l’étranger. Bowlby critique cette interprétation. Selon lui, cette angoisse, qui survient aux environs du 8ème mois, correspond à la prise de conscience par l’enfant de la séparation d’avec sa mère et de la potentialité de son absence. C’est le 2ème organisateur. Ce qui est important à cette étape, c’est le changement de statut de la mère qui acquiert un caractère privilégié pour l’enfant. La construction de l’objet s’initie réellement. Dans le même temps, le moi s’affirme et commence à jouer le rôle de médiateur entre les exigences pulsionnelles et les contraintes de la réalité.

 

-                     Stade des relations sociales différenciées (2ème année) : L’autonomie de l’enfant est croissante (marche, propreté[2], langage) et celui-ci passe d’un registre passif où il subissait les événements à un registre où il est de plus en plus actif. En même temps, les interdits apparaissent qui réveillent son agressivité envers les éducateurs. L’enfant sort de ce conflit, où sa volonté s’oppose à celle de l’autre, par une identification à l’agresseur[3], c’est-à-dire qu’il imite sa mère dans un geste symbolique de négation. Ce « non », ce mouvement de la tête, est le 3ème organisateur.

 

[1] SPITZ, R.-A., (1959), L’embryogenèse du moi. Ed. Complexe, Bruxelles, 1979.
Les travaux de René SPITZ (1887-1974) se situe dans la lignée de Heinz HARTMANN et de Anna FREUD.
[2] A noter : on ne parle d’énurésie qu’après l’âge de 5 ans.
[3] « Dans cette « identification avec l’agresseur » nous reconnaissons un stade assez communément observable chez l’individu au cours du développement normal de son surmoi. En s’identifiant aux menaces des adultes, les deux jeunes garçons dont nous venons de parler ont fait un pas décisif vers la formation de cette instance morale : ils ont ainsi intériorisé les critiques d’autrui. Quand un enfant ne cesse d’intérioriser, d’introjecter les qualités de ses éducateurs, quand il fait siennes leurs particularités et leurs opinions, il fournit continuellement au surmoi le matériel nécessaire à l’évolution de celui-ci. » (FREUD, A., (1949), Le moi et les mécanismes de défense, PUF, Paris, 1993. p. 107).

retour

© Les textes édités sur ce site sont la propriété de leur auteur.
Le code de la propriété intellectuelle n'autorise, aux termes de l'article L122-5,
que les reproductions strictement destinées à l'usage privé.
Tout autre usage impose d'obtenir l'autorisation de l'auteur.