Psychologie du développement

3. Orientation psychanalytique

 

3.3. Le concept d'attachement

    3.3.2. L'expérience de Ainsworth

        Les théorisations de Bowlby se sont nourries des observations et des expériences de Mary AINSWORTH (1979) qui, d’ailleurs, a mis au point un instrument de mesure de l’attachement[1] : le protocole de la “situation étrange”. Il s’agit d’une situation standardisée, minutieusement chronométrée, se déroulant dans une salle avec un miroir sans teint, sommairement meublée. Ce dispositif expérimental permet une évaluation qualitative du type d’attachement de l’enfant à 1 an en observant son comportement. L’observation dure de 20 à 25 minutes et comporte 8 épisodes :

1.      la personne qui observe introduit la mère et l’enfant dans la salle et s’en va.
2.      l’enfant et la mère sont seuls pendant 3 minutes. L’enfant peut explorer. S’il ne le fait pas, après 2 minutes, la mère l’incite à explorer et le stimule.
3.      une personne étrangère entre. Au cours de la 1ère minute, l’étranger est silencieux. Lors de la 2ème minute, l’étranger parle avec la mère. Pendant la 3ème minute, l’étranger s’approche du bébé. Au bout des 3 minutes, la mère s’éclipse discrètement.
4.      le bébé et l’étranger restent seuls. C’est le 1er épisode de séparation. L’étranger a pour consigne d’adapter son comportement à celui de l’enfant mais de ne rien initier.
5.      la mère revient, l’étranger s’en va, elle réconforte l’enfant, elle essaie de rétablir les activités de jeu. Ce sont les 1ères retrouvailles.
6.      Au bout de 3 minutes, la mère quitte la pièce en disant “au revoir”, elle notifie son départ.
7.      le bébé reste seul durant 3 minutes. C’est le 2ème épisode de séparation.
8.      l’étranger entre pour 3 minutes. La mère revient donc après 6 minutes. Elle réconforte le bébé et le prend dans ses bras. L’étranger s’éclipse. C’est le 2ème épisode de retrouvaille.

Vidéo illustrative

            Ainsworth étudie la manière dont l’enfant gère les épisodes de séparation et de réunion. La mère est-elle une réelle base de sécurité et empêche-t-elle la manifestation d’angoisse ? L’analyse des résultats permet à Ainsworth de distinguer trois catégories d’enfants en fonction du type d’attachement qui lie l’enfant à sa mère :

-         les enfants anxieux et évitants : ils ne pleurent pas quand leur mère s’en va et ne s’en rapprochent pas quand elle revient ( 21 % des enfants dans une population normale) ;
-         les enfants sécures : ou qui ont un attachement sécurisant. Ils protestent au moment du départ de la mère mais se consolent rapidement pour jouer. Au moment où elle revient, ils cessent de jouer, ils manifestent leur joie et retournent rapidement à leurs activités. (67% des enfants dans une population normale) ;
-         les enfants anxieux et ambivalents : ils sont angoissés même quand la mère est présente et ils explorent peu. La séparation déclenche une immense détresse. Au moment des retrouvailles, ils mettent beaucoup de temps à être réconfortés et ont parfois des réactions agressives (12 % des enfants dans une population normale) ;
-         la catégorie « désorganisée » : 15% des enfants sont difficilement classés dans les 3 catégories précédentes parce qu’ils ne montrent pas de pattern comportemental véritablement organisé et cohérent
[2].

            Ainsworth interprète ces résultats de la façon suivante : “Attachement et exploration se soutiennent l’un l’autre. Lorsque le comportement d’attachement est intensément activé, le bébé a tendance à rechercher la proximité du contact plutôt qu’à explorer. Lorsque le comportement d’attachement est à basse intensité, alors, il est libre pour répondre à l’attrait de la nouveauté. La présence d’une figure d’attachement, notamment quand celle-ci est perçue comme disponible et réactive, laisse le bébé ouvert à des stimulations qui peuvent activer l’exploration. Néanmoins, on croit souvent que l’attachement peut gêner d’une façon ou d’une autre la conquête de l’indépendance. Nos travaux ne confirment en rien une telle croyance. Les bébés qui répondent positivement aux contacts corporels étroits avec la mère, répondent aussi positivement en général lorsqu’on les dépose par terre. Alors, ils se lancent dans le jeu exploratoire, dans la quête d’indépendance.”. En conclusion, c’est parce que l’enfant est sécurisé qu’il peut explorer le monde. (cf. l’autisme, supra). De plus, d’autres études (Fonagy, Trevarthen, Stern) ont montré une corrélation entre le type d’attachement et la construction du schème de l’objet permanent, soit une intériorisation des interactions précoces (cf. l’introjection de l’objet interne, infra), mais aussi avec la mentalisation et l’intersubjectivité. Il semble également que le comportement d’attachement joue un rôle dans un certain nombre de régulations physiologiques.


[1] Il existe un outil de mesure des attachements précoces à destination des adultes : AAI (adult attachment interview). Avec l’entretien d’attachement de l’adulte et les modèles internes opérants, c’est le retour en force du monde interne dans le champ de l’attachement. Il faut insister sur une idée qui sous-tend l’AAI : c’est la forme, la musique du discours qui raconte les premiers mois de la vie, les premières interactions. La manière dont le sujet reconstruit son histoire, et en fait le récit, est un meilleur reflet de celle-ci que le contenu de son récit, c’est-à-dire les souvenirs qu’il rapporte dont on sait bien qu’ils sont reconstruits. Des études de plus en plus nombreuses mettent en évidence la plasticité des représentations d’attachement, que ce soit du fait d’événements de vie ou d’interventions thérapeutiques. Cette plasticité est encore mal connue mais il apparaît d’ores et déjà que ce sont les organisations sécures qui sont les plus stables.
[2] On retrouve pratiquement toujours des deuils non résolus ou des histoires d’abus dans l’enfance. Il y aurait là une trace dans le comportement de l’enfant d’un traumatisme insuffisamment élaboré subi par l’un ou d’autre de ses parents.

 

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