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Isabelle LEVERT

Psychologue clinicienne

Psychothérapeute

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Difficultés de la famille recomposée

Quelques vignettes cliniques

Rejet du nouveau partenaire

Jean est séparé de la mère de ses enfants depuis trois ans. Ses fils sont âgés de 11 et 18 ans. Il y a trois mois, il a rencontré Sabine qui a quatre enfants. Son plus jeune fils accepte bien la situation mais l’aîné, étudiant, menace de quitter le foyer si Jean et Sabine vivaient ensemble. Il argumente qu’ « une étrangère vient tout chambouler » depuis que Sabine a demandé que les garçons mettent un tee-shirt pour passer à table. Jean craint qu’il ne parte chez ses grands-parents maternels et que ceux-ci convainquent leur petit-fils que son père l’a abandonné.

La rencontre de Jean et Sabine est récente et il faut peut-être du temps au fils aîné de Jean pour s’accommoder de cette nouvelle situation. Toutefois, il n’est pas sain de lui laisser l’impression qu’il a le pouvoir d’influencer les choix de son parent. Même s’il est majeur, il reste l’enfant qui, tant qu’il vit sous le toit de son père, doit se plier aux règles de vie commune édictées par lui. Il est probable que l’arrivée d’une partenaire amoureuse entraîne une modification de ces règles et de quelques unes des habitudes de la famille. Le fils de Jean refuse ces changements et utilise le chantage pour faire pression sur son père. Ce faisant, il se montre égoïste et joue peut-être de la coalition qu’il pourrait former avec ses grands-parents maternels pour mettre des bâtons dans les roues des projet de son père. Si, dans ce contexte, les aïeuls accueillaient effectivement leur petit-fils, ils deviendraient complices de celui-ci. Noircir l’image du père en lui reprochant à tort d’avoir choisi son amie au détriment de son fils est une tentative de renversement de la situation et de transfert de culpabilité. La faille de Jean est sa crainte que son fils ne parte et ne prenne appui sur ses grands-parents pour l’accuser de l’avoir abandonné. Tant qu’il nourrit cette peur, il garde son fils dans la toute-puissance. Sans en avoir conscience, il crée lui-même les conditions de maintien de son problème. La meilleure attitude que Jean puisse adopter est de remettre les points sur les i en affirmant sa place de père au sein du foyer et en prenant le risque que son gamin mette à exécution ses menaces. Il doit se soustraire à son chantage en lui précisant qu’il ne cèdera pas ni à ses caprices d’enfant gâté, ni à ses essais de manipulateurs de bas-étage et que si cela ne lui plaît pas, puisqu’il est majeur, il est libre de s’en aller mais qu’il en assumera seul les conséquences. Il n’y a que cette solution pour sortir du cercle vicieux dans lequel Jean et son fils sont coincés.

Investissement de soi auprès des enfants de l’autre

Barbara s’est énormément investie auprès de sa belle-fille de 17 ans, organisant des activités le week-end, suivant de très près son travail scolaire, mettant en place des cours de soutien pour lui permettre de rattraper son retard. Elle n’est qu’en seconde. Cette dernière initiative a été sabotée par la mère qui a critiqué chacun des professeurs recrutés. Le père soutient sa fille par des encouragements mais rien de plus si bien que sa compagne s’est épuisée dans cette tâche et que les relations avec l’adolescente se sont dégradées. Barbara a alors opté pour la prise de distance et elle n’a plus pris en charge ni les occupations du week-end, ni les devoirs, proposant juste de l’aide en cas de difficulté. Face aux notes en chute libre et au fait que la jeune fille passe maintenant la majeure partie de son temps devant la télévision, Barbara se culpabilise.

Barbara agit comme le bon samaritain. Elle s’occupe à la fois des loisirs pour que la jeune fille passe de bons week-ends et de son travail scolaire, soucieuse de son avenir. Elle met toute son énergie à tenter de suppléer les carences parentales, jusqu’à vider ses batteries et rompre son propre équilibre au point qu’elle en arrive à ne plus supporter l’adolescente. Lorsqu’elle change son fusil d’épaule, les conséquences négatives semblent lui montrer qu’elle a tort de le faire. Elle se sent coupable de laisser sa belle-fille foncer droit dans le mur. Les deux parents de cette jeune fille s’avèrent défaillants dans leur rôle éducatif ; la mère en faisant échouer les cours particuliers ne pensent qu’à régler ses comptes avec son ex-mari ; le père qui se contente de quelques mots d’encouragement ne consacrent pas le temps nécessaire à la réussite de sa fille. Il s’agit en effet de lui accorder de l’aide jusqu’à ce qu’elle fasse l’expérience de la réussite. Le plaisir des bons résultats permet d’acquérir le goût de l’effort. Dire à un enfant en échec de travailler plus est inutile si on ne lui donne pas les moyens de surmonter ses difficultés et de croire en ses capacités. Ceci exige de la patience, de la confiance et un énorme investissement de soi. Un parent ne remplit pas son rôle s’il n’est pas réellement porteur de rêve pour son enfant. S’il n’est sans doute pas envisageable d’obtenir la participation de la mère de l’adolescente, il est peut-être possible de mettre le père face à ses responsabilités, ainsi que l’adolescente certainement trop passive et qui s’engouffre dans la brèche ouverte par sa mère pour choisir la facilité. A 17 ans, elle est assez grande pour comprendre que sa volonté et sa motivation sont des clefs essentielles qu’elle seule détient mais elle demeure dans une extrême passivité sans qu’aucun de ses parents ne réagissent. En tant qu’éducateurs, il s’agit d’être cohérents et d’interdire qu’un jeune en échec scolaire gâche toute une journée devant la télévision. Bien sûr cette fermeté suscitera rouspétance, voire des réactions plus virulentes, dans un premier temps mais, par la suite, si on tient bon, une vraie reconnaissance pour n’avoir pas permis toutes les dérives et au contraire permis le succès. Or, à l’adolescence, cette détermination ne peut provenir que des parents. Les belles-mères et beaux-pères qui ne reçoivent pas le plein soutien de leurs conjoints sont dans une position délicate, réduits quasiment à l’impuissance. Barbara semble dans une moins mauvaise posture mais seulement en apparence car si elle ne fait pas le travail à la place de la jeune fille, celle-ci se laisse couler et si elle essaie de l’impliquer plus, les rapports s’enveniment. La communication avec son conjoint devrait permettre à Barbara d’exprimer son mal-être et son attente qu’il s’occupe plus de sa propre fille. Sa demande est légitime, ainsi que sa décision de se ménager. Etre disponible pour apporter des éclaircissements ou un coup de pouce est déjà une aide précieuse. De plus, il est probable que de les voir retrousser leurs manches lui donnerait un regain d’énergie. En conclusion, au lieu de se culpabiliser elle-même, Barbara pourrait utilement culpabiliser et son compagnon et sa belle-fille afin de la pousser à l’action.

La belle-mère, une marâtre ?

Pauline a la sensation d'être toujours perçue comme une marâtre, la méchante belle-mère qui enquiquine tout le monde.

Cendrillon et Blanche-neige sont des jeunes filles qui ont été martyrisées par leur belle-mère, l’une était obligée de faire le ménage pour toute la famille, l’autre a réchappé à une tentative d’assassinat. Le spectre de ces marâtres odieuses et jalouses plane sur toutes les belles-mères. Il revient au galop notamment quand l’enfant pourri gâté rencontre des principes éducatifs différents et les limites. Un « t’es pas ma mère » fuse alors, envoyant l’adulte dans les cordes. Le beau-fils ou la belle-fille sont bien disposés à prendre tout ce qui est agréable mais rejettent toute source de désagrément. Si aucun des parents ne réagit, le risque est de voir perdurer un clivage entre la mère toute bonne et la belle-mère toute mauvaise ou entre le père tout bon et le beau-père tout mauvais alors qu’en réalité, les choses ne sont pas aussi tranchées. A force de répéter cela, l’enfant finit par y croire et se sert de cette perception tronquée pour manipuler son entourage. D’une part, le parent culpabilisé d’avoir imposé la séparation à ses enfants ou de n’avoir pas réussi à l’éviter a tendance à passer tous les caprices de ses chérubins pour compenser et à s’ériger en ardent défenseur de sa progéniture. Derrière un « mais tu n’aimes pas mes enfants » se cache souvent le laxisme d’un père ou d’une mère qui n’ose pas se remettre en question. D’autre part, de crainte de s’attirer les fougues à la fois des gamins mais aussi de leur partenaire amoureux, la belle-mère et le beau-père arrondissent les angles, se retiennent de sévir et perdent leur naturel avec l’enfant. Ils se mêlent de moins en moins de son éducation jusqu’à s’en écarter parfois tout à fait. D’ailleurs, certaines mères et certains pères véhiculent une image déplorable de la nouvelle compagne ou du nouveau compagnon de leur ex dans cet objectif. Elles ou ils ne supportent pas qu’une étrangère ou un étranger puisse apporter quelque chose à leur enfant. Il s’agit d’un déplacement des revendications conjugales sur la parentalité. Le bien-être des enfants sert de prétexte et de justificatif aux attaques haineuses à l’encontre des successeurs. Les ex-conjoints n’avaient pas terminé de régler leurs comptes et les suivants payent la note. On comprend donc que les parents ont une influence sur le regard que l’enfant porte sur sa belle-mère ou sur son beau-père. Toutefois, il peut y avoir une part de vérité dans cette connotation péjorative du terme de belle-mère ou de beau-père. En effet, parfois, derrière le sourire crispé adressé à l’enfant se cache le rejet. Une première raison de cela peut être sa ressemblance avec un de ses parents. « Elle est gentille et bien élevée mais quand je la vois, je vois sa mère ». L’enfant, en étant le portrait craché de son père ou de sa mère, renvoie malgré lui le passé de l’autre à la figure de son beau-parent, maladivement jaloux du passé de son conjoint. « A chaque fois qu’il vient, c’est tout le passé de mon homme qui s’incruste à la maison ». On entend dans ce témoignage que les beaux-enfants sont vécus comme des intrus, des résidus d’une vie d’avant difficilement tolérée. Un deuxième motif de rejet peut être une répartition maladroite des marques d’attention entre les uns et les autres par le conjoint. En effet, si ce dernier zappe complètement son partenaire à chaque fois qu’il reçoit ses enfants, celui-ci appréhendera leur venue. De même, s’ils sont systématiquement la cause de disputes, ils finiront par être pris en grippe. Chaque acteur du système familial contribue aux diverses interactions de sorte que chacun, sans exception, y compris les grands-parents, doit se demander comment il intervient pour aider belle-maman ou beau-papa à trouver sa place auprès de l’enfant et lui à lui donner une place dans sa vie.

Isabelle LEVERT
Psychologue clinicienne
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