Psychologie du développement

3. Orientation psychanalytique

3.7.3. La forclusion

            L’acception de Nasio du concept de forclusion désigne le “défaut d’inscription dans l’inconscient de l’épreuve normative de la castration”[1] et l’acception de Freud explique que dans la psychose elle est rejetée, en même temps que son affect, par le moi qui se comporte comme si elle n’était jamais advenue, alors que dans la névrose, la représentation insupportable de l’expérience de la castration est refoulée. Pour Lacan, la forclusion concerne le signifiant du nom-du-père qui n’a pu advenir en temps et en lieu. La castration s’exerce sans interprétation pour introduire une logique autre que la déréliction. Or Lacan a affirmé toute l’importance de ce second temps, permis par la fonction paternelle, dans la phrase suivante : “La castration n’est en fin de compte rien d’autre que le moment de l’interprétation de la castration”[2] ou encore : “La castration veut dire qu’il faut que la jouissance soit refusée, pour qu’elle puisse être atteinte sur l’échelle renversée de la Loi du désir”[3].

            Le stade du miroir, moment de jubilation devant l’illusion de l’unité, n’est salutaire pour le sujet qu’avec l’entrée en jeu du trait unaire qui introduit le tiers dans le monde narcissique, sans autrui, du sujet. Le “c’est toi”, en même temps qu’il permet la saisie par le sujet de son image spéculaire, de son identité, efface l’Autre. La parole de l’Autre, venant notifier la coupure et souligner par là le manque, pour être structurante doit être assujettie à la Loi, condition pour que l’effacement de l’Autre réel par son incarnation imaginaire débouche sur l’Autre symbolique et condition pour que le moi imaginaire supporte les identifications résolvant le complexe d’Oedipe et qui forment l’idéal du moi.  Moi idéal et idéal du moi constituent deux pôles, l’un dominé par le principe de plaisir, l’autre soumis au principe de réalité. Le Père, interdicteur (surmoi) mais aussi jouisseur (idéal du moi), montre la possible conciliation des exigences de chacun d’eux. La captation par l’imago maternelle tire le sujet vers la mort[4].

            Le complexe d’Oedipe a un rôle essentiel dans l’astreinte au principe de réalité, d’une part, par la répression qu’il impose et, d’autre part, parce qu’il ouvre sur les sublimations. “Il (le fantasme de castration) représente la défense que le moi narcissique, identifié à son double spéculaire, oppose au renouveau d’angoisse qui, au premier moment de l’Oedipe, tend à l’ébranler : crise que ne cause pas tant l’irruption du désir génital dans le sujet que l’objet qu’il réactualise, à savoir la mère. A l’angoisse réveillée par cet objet, le sujet répond en reproduisant le rejet masochique par où il a surmonté sa perte primordiale, mais il l’opère selon la structure qu’il a acquise, c’est-à-dire dans une localisation imaginaire de la tendance”[5]. Le nom-du-père désigne les places de chacun au sein de la famille. Lacan met directement en relation les dysfonctionnements du cercle familial, en particulier une dysharmonie sexuelle entre les parents, avec les carences de l’imago formatrice de l’idéal du moi et qui produit une introversion de la personnalité qui s’exprime “comme une stagnation plus ou moins régressive dans les relations psychiques formées par le complexe du sevrage”[6].


[1] NASIO, J.-D., (1988), Enseignement de 7 concepts cruciaux de la psychanalyse. Paris, Payot, 1992, p. 223.
[2] LACAN, J., (1962-1963), L’angoisse (séminaire inédit), p. 50.
[3] LACAN, J., (1960), Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien in Ecrits II. Paris, Seuil, 1971, p. 190.
[4] L’imago (la forme primordiale de l’imago maternelle est représentée par le complexe du sevrage) pourtant doit être sublimée pour que de nouveaux rapports s’introduisent avec le groupe social, pour que de nouveaux complexes les intègrent au psychisme. Dans la mesure où elle résiste à ces exigences nouvelles, qui sont celles du progrès de la personnalité, l’imago salutaire à l’origine, devient facteur de mort” (LACAN, 1938, p. 33).
[5] ibid., p. 61. Sous un référentiel lacanien, avec le mot « angoisse », on sous-entend que c’est l’angoisse de castration en tant qu’elle actualise la crise du sevrage.
[6] ibid., 1938, p. 107.

retour

© Les textes édités sur ce site sont la propriété de leur auteur.
Le code de la propriété intellectuelle n'autorise, aux termes de l'article L122-5,
que les reproductions strictement destinées à l'usage privé.
Tout autre usage impose d'obtenir l'autorisation de l'auteur.