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Isabelle LEVERT

Psychologue clinicienne

Psychothérapeute

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Narcissique et faussement humble ?!

Que cache le masque ?

Cet article vise à montrer comment une personnalité narcissique peut se cacher sous les airs de l'humilité, rendant ainsi difficile de la démasquer. Or, la faille narcissique que ces personnes surcompensent et tentent de camoufler a des effets néfastes sur la relation de couple et par rebond sur le partenaire amoureux.

Photo Pierre Levert - Irelande    Narcissique et humble, deux adjectifs qui semblent incompatibles l'un avec l'autre, sauf à interposer l'adverbe "faussement" entre eux. Ce dernier n'est pas à négliger car il vient également s'immiscer entre les partenaires amoureux.

        Il existe des personnalités qui, sous le couvert d'une grande humilité (affichée mais non réelle), sont en fait narcissiques, c'est-à-dire que, dans leur for intérieur, elles se placent au-dessus des autres en ce qui concerne de nombreux aspects de l'existence tandis que sur certains autres, elles conservent une piètre image d'elles-mêmes. Ceci peut paraître au premier abord paradoxal mais ne l'est pas quand on examine l'économie psychique. En effet, ces personnes compensent en fait, au détriment des autres, un sentiment d'infériorité, jamais dépassé, auto-entretenu plutôt, parce qu'il leur sert à se présenter dotées de ce trait de caractère socialement valorisé et mis en avant pour se démarquer de leurs pairs. Ceux-ci, en comparaison, sont jugés moins humbles, voire prétentieux, donc moins biens, simplement parce que, au contraire du narcissique, ils s'appuient sur leurs forces au lieu de s'auto-flageller en surlignant en permanence leurs faiblesses. Ce jugement est, bien entendu, gardé pour soi, perceptible néanmoins à un niveau non-verbal et donc générateur de malaise.

        En société, le narcissique faussement humble reste pendant longtemps en retrait ce qui trahit son grand manque d'assurance. Il choisit de se taire plutôt que de risquer de dire une ânerie. Au moyen de cette stratégie, il surmonte l'inquiétude qui l'habite dès qu'il est en présence de personnes non familières. Il a constamment peur que les autres se rendent compte de son peu de valeur. Il change du tout au tout quand l'occasion se présente d'étaler son savoir dans tel ou tel secteur d'activité, de prouver par le choix d'un vocabulaire technique et compliqué pour un néophyte et par l'exposé de ses exploits qu'il vaut quelque chose et même qu'il est génial. A chaque fois qu'il réussit à subjuguer son auditoire, il remporte une victoire sur son impression de médiocrité. Sa jubilation est de courte durée car la question de fond est toujours escamotée. Comme beaucoup, il peut être brillant dans tel ou tel domaine et peut-être l'est-il devenu à cause ou grâce à sa mauvaise image de lui-même comme pour attester qu'il n'est pas si nul que ça et apporter la preuve à ceux qui, dans le passé, lui ont renvoyé ce terrible reflet de lui-même qu'ils se sont fourvoyés. Mais malgré cela, il n'est jamais convaincu de sa valeur intrinsèque et continue d'être parasité par la peur d'être quelqu'un d'indigne.

        Comme tout narcissique, ces personnes se vexent pour un rien mais ne sont pas perçues comme susceptibles car elles ruminent leur colère et leurs rancœurs plutôt que de l'exprimer verbalement. La moindre petite chose qui vient réactiver le noyau douloureux de leur problématique, enkysté en elles, est vécue comme un crime de lèse-majesté qui réveille leur fureur et non pas comme une contrariété vite oubliée. Et de cette réaction excessive, cet individu pense qu'il n'y peut rien, que ce n'est pas de sa faute. Il n'assume qu'exceptionnellement la responsabilité de n'avoir pas relativisé pour donner aux choses leur juste importance. 

        Ces événements anodins sont aussi le prétexte à dédaigner les attentes de l'autre, éprouvées non pas comme légitimes mais comme des contraintes auxquelles il faut à tout prix se soustraire. Le narcissique se veut absolument indépendant, n'acceptant de faire plaisir à son partenaire amoureux que s'il en a pris l'initiative, seul. Tandis qu'il n'écoute que lui-même et sa rage, le partenaire s'échine à obtenir un minimum de considération : sollicitude, respect,... en vain. Egocentré, le narcissique ne fait preuve que de peu d'empathie, voire d'aucune, d'un faible souci de comprendre autrui et de chercher à le connaître. A vrai dire, peu lui importe d'être objectif, il préfère se cantonner à son système établi qui lui permet de sauvegarder le sentiment de son bon droit et de sa droiture. Se remettre en question et s'avouer, pour pouvoir avouer à l'autre, qu'il s'est trompé ou mal comporté lui est impossible. D'une part, lui, il est infaillible et il a de bonnes raisons d'agir comme il agit et, d'autre part, avouer ses torts est pour lui une marque de faiblesse, une sorte de soumission. Il ne demande jamais pardon, tout au plus il peut dire : "Je m'excuse", formulation qui dit bien qu'il s'excuse lui-même.

        Le narcissique homme est d'ailleurs assez machiste, souvent attaché au partage traditionnel des tâches ménagères par exemple et mu par une conception rétrograde de la virilité, consistant notamment à ne jamais dévoiler ses sentiments, tout au plus quelques gestes de tendresse. La femme narcissique, elle, préfère nettement briller en société et a tendance à se décharger complètement sur son compagnon des tâches qu'elle estime plus ingrates, affirmant par la même occasion et de façon détournée sa supériorité et sa domination. Dans le quotidien, ceci n'est jamais ou rarement aussi tranché car l'évolution de la société oblige à donner le change et à sauver les apparences.

        Dès qu'un conflit conjugal émerge, le narcissique se replie dans une superbe indifférence, enorgueilli de son  détachement affectif, dont il aime se vanter en criant haut et fort son regret du célibat. Ce désintérêt pour l'autre, la plupart du temps, n'est apparent qu'au travers de son absence d'enthousiasme, de la tiédeur de ses démonstrations d'affection, du peu d'échanges. Inutile d'espérer que, soudainement, il ait envie de serrer très fort son partenaire dans les bras ou de lui murmurer à l'oreille des mots d'amour, encore moins qu'il manifeste le désir de passer du temps en tête à tête. Il n'est pas en capacité de fêter, jour après jour ou même de temps en temps, la rencontre pour qu'un quelconque élan amoureux émane de lui. Parfois, chez lui, même la libido est en berne. Le rapport sexuel ? Ça ne lui manque pas ! Se mettre sur cette longueur d'ondes là pour satisfaire les besoins de proximité, de contacts peau à peau et de communion ultime de son partenaire est un effort qu'il ne fait pas malgré la récurrence des crises du couple. Son partenaire souffre de n'être jamais désiré mais il n'en a cure. Et quand, sporadiquement, il éprouve quelques émotions qui pourraient le rapprocher de l'autre, il se réfrène de partager. Non, non, lui, il n'a besoin de personne. Il ne comprend d'ailleurs pas une phrase d'Erich Fromm à propos de l'amour accompli : "J'ai besoin de toi parce que je t'aime".

        Pis, certains narcissiques peuvent volontairement attiser les émotions douloureuses de leur partenaire. Pendant que celui-ci se décompose ou s'effondre et dévoile sa vulnérabilité, eux tirent une satisfaction de se sentir forts et tout puissants. Bien évidemment, ils se défendent de tout sadisme mais certains comportements ne peuvent pas s'expliquer autrement que par cette jouissance perverse qui consiste à mettre à sac le narcissisme d'autrui pour dénier leur propre faille narcissique et à transférer la souffrance chez l'autre.

        Tandis que son partenaire aspire à une union véritable et profonde, la personne narcissique n'a pas la témérité d'en rêver. A l'opposé, délibérément, du fait de la conviction que pour elle cet idéal est inaccessible, que de le poursuivre elle ne peut qu'être déçue et souffrir, elle se persuade pour se prémunir qu'un couple ne peut pas durer. Le masque cache un être acariâtre qui, au plus, se laisse aimer. Pendant quelques temps, tant que l'autre demeure à sa botte, conforme à ses souhaits et surtout ne revendique pas quelques efforts qu'il n'est pas prêt à consentir, il peut se sentir amoureux mais il ne sait pas ce qu'Aimer signifie vraiment. Aimer est un verbe. Il suppose donc d'être actif. Il implique aussi que la personne n'a plus besoin d'être aimé parce qu'elle s'aime. C'est ce qu'a voulu signifier Arnaud Desjardins quand il a écrit que pour aimer il faut n'avoir plus besoin d'être aimé.

Bibliographie

DESJARDINS, A., (1985), Pour une vie réussie, un amour réussi. Paris, Editions de la Table ronde.

FROMM, E., (1967), L’art d’aimer. Paris, Editions de l’Epi, 1968.

LEVERT, I., Les violences sournoises dans le couple. Paris, Robert Laffont, coll. Réponses, 2011.

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Isabelle LEVERT
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