Psychologie du développement

3. Orientation psychanalytique

 

3.6. Les fondements de la psychanalyse freudienne

        3.6.1. La théorie de l'objet perdu

            “De ce rapport sexuel (allaitement) qui est le premier et le plus important de tous, il subsiste même après la séparation effectuée de l’activité sexuelle d’avec l’absorption des aliments, un résidu important qui contribue à préparer le choix de l’objet, et ainsi à retrouver le bonheur perdu...”.[1]

Ø      Selon la théorie freudienne[2], la relation de nourrissage sert d’étayage à toutes les fonctions sexuelles. Freud insiste sur le fait que c’est de la 1ère relation au sein maternel que dépendent toutes les autres relations objectales : “trouver l’objet sexuel n’est en somme que le retrouver”. Par ailleurs, il dit clairement qu’il n’y a pas d’objet pleinement satisfaisant, achevé et achevant, c’est-à-dire qui lui rende le bonheur du sein maternel. La nostalgie de cette relation lie le sujet à l’objet perdu et marque le développement de la vie humaine, consistant à rechercher la répétition impossible de cette complétude. Il y a un trou dans notre réalité et il est constitutif.

Ø      Pour Freud, il n’y a pas de sujet autonome, c’est-à-dire adapté à l’objet car l’objet est foncièrement et définitivement perdu. (Lacan : aliénation aux autres). De cette non-indépendance, il conclut que l’objet n’est pas la mesure de la réalité. L’objet, très souvent, masque l’angoisse (innommable). Chaque fois qu’il y a rencontre avec l’objet, il y a disparition de l’angoisse (cf. relation anaclitique de l’état limite). Actuellement, si l’enfant est adapté à l’objet, on pense qu’il est sur la bonne voie. Il faut tenir compte d’un autre critère : l’adaptation au manque de l’objet. Par exemple, un enfant qui est dans la lune, peut être en train de rêvasser et donc de créer ou, tout au contraire, dans la nostalgie infantile, perdu dans le nulle part. C’est la possibilité de créer ou non une autre relation d’objet qui est le seul critère valable pour savoir si un enfant est dans le principe de réalité ou de plaisir. Il faut faire une distinction entre les étapes de progrès du moi et celles de la maturation pulsionnelle c’est-à-dire sur le plan dynamique et sur le plan génétique. Dans la vie, il y a des périodes créatives et d’autres où la perte de l’objet est réactivée. N’est adulte que le sujet qui peut effectuer ces séparations successives sans être profondément affligé et perdre son pouvoir créateur en même temps.

Ø      Le principe de réalité et le principe de plaisir sont opposés et complémentaires. Ils sont en opposition irréductible car ils renvoient à l’opposition entre
   
-        la réalité et la satisfaction qu’on peut y trouver et
   
-        ce qui est cherché obscurément, inconsciemment par la pulsion.

Ce qui met en évidence que le rapport du sujet au monde est profondément conflictuel. L’homme est tiraillé entre les satisfactions de la réalité et la recherche d’une satisfaction autre, avec en arrière-plan une idée du bonheur (obscur objet du désir). Ce qu’on ne peut obtenir dans la réalité, on ne peut plus que l’imaginer et quand c’est vital, on peut même l’halluciner (délires).

Ø       Il y a un moment dans le développement de l’être humain où la relation sujet-objet est directe, sans béance, sans ce petit rien qui manque (sans hiatus), c’est celui de l’ambivalence. Dans la période prégénitale (2-3 ans) les relations que l’enfant construit avec l’autre sont du type : voir / être vu, attaqué / être attaqué, battre / être battu. Il s’identifie complètement à l’autre, c’est-à-dire qu’il est l’autre. Il ne fait aucune différence entre l’autre et lui. C’est une relation en miroir (cf. le complexe d’intrusion de Lacan[3]), de complète réciprocité, où chaque sujet se fait objet de l’autre en même temps qu’il fait de l’autre son objet. Tout le reste du temps, l’homme est à la recherche de l’objet et espère les retrouvailles.


[1] FREUD, S., (1905), Trois essais sur la sexualité, Paris, Gallimard, 1987, p. 97-98.
[2] S. Freud est né en 1856. Après des études de médecine à Vienne - il voulait être neurologue - il s'intéresse aux travaux de Charcot qui utilise l'hypnose sur les hystériques. Il fait l'hypothèse de l'inconscient. Il y a 3 périodes importantes dans son oeuvre Avant 1905 : solitude. Au fil de ses écrits, il pose 3 hypothèses : 1) la maladie hystérique n'est pas liée à un trouble neurologique, 2) Il existe des souvenirs non accessibles à la mémoire, 3) Il existe un mécanisme de refoulement qui maintient le souvenir hors de la mémoire.
De 1905 à 1920 : période productive, de 1920 à 1939 : révision de sa théorie avec la 2ème topique. Il est décédé en 1939 d'un cancer de la mâchoire.
[3] On parle aussi d’identification imaginaire. « Ici se réalise ce paradoxe : que chaque partenaire confond la partie de l’autre avec la sienne propre et s’identifie à lui (…) » (LACAN, J. (1938), Les complexes familiaux, Paris, Navarin, 1984, p. 38).

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