Psychologie du développement

1. Orientation cognitivo-constructiviste (suite)

 

-          le stade sensori-moteur (de la naissance à 2 ans) : Il correspond au développement et à la coordination des capacités sensorielles et motrices du bébé. Il est caractérisé par l’exercice des actions sensori-motrices. On parle d’intelligence pratique (liée à l’action) à partir de la fin de la 1ère année tandis qu’à la fin de la 2de année, avec les représentations mentales naissantes, l’enfant est capable aussi de manipuler en pensée (intériorisation des actions).

·        Intelligence sensori-motrice : essentiellement pratique. “Or, faute de langage et de fonction symbolique, ces constructions s’effectuent en s’appuyant exclusivement sur des perceptions et des mouvements, donc par le moyen d’une coordination sensori-motrice des actions sans qu’intervienne la représentation ou la pensée.”[3].

-   stade I : consolidation, par exercice fonctionnel, des activités réflexes importantes (succion, réflexe palmaire qui sera intégré dans la préhension intentionnelle ultérieure). Il faut considérer le réflexe comme plus qu’un simple automatisme car l’instauration du schème réflexe aboutit à la formation des premières habitudes (succion du pouce).

-   stade II : l’intégration d’éléments jusque-là indépendants conduit à la formation des habitudes (coordination des mouvements du bras, de la main, de la bouche). Il n’y a pas encore de différenciation entre les moyens et les buts.

-   stade III : vers 4 mois 1/2, il y a coordination entre la vision et la préhension. L’enfant peut associer le fait de tirer sur un cordon et d’entendre des hochets suspendus à son berceau. Début de différenciation entre moyen et but.

-   stade IV et V : un but préalable s’impose au sujet indépendamment des moyens qu’il va employer. Les moyens ne sont empruntés qu’à des schèmes d’assimilation connus. Par la suite, il recherche des moyens nouveaux par différenciation des schèmes connus. Par exemple : vouloir essayer d’attraper un objet trop éloigné et tirer sur un tapis, constatant que celui-ci bouge, l’enfant peut tirer jusqu’à attraper l’objet.

- stade VI : l’enfant est capable de trouver des moyens nouveaux non plus seulement par tâtonnements extérieurs ou matériels, mais par combinaisons intériorisées qui aboutissent à une compréhension soudaine ou insight.

      Le système des schèmes d’assimilation sensori-moteurs aboutit à une sorte de logique de l’action, comportant des mises en relations et en correspondances (fonctions), des emboîtements de schèmes (logique des classes), bref des structures d’ordre et de réunions qui constituent la substructure des opérations futures de la pensée.

·        La construction du réel : L’intelligence sensori-motrice conduit à la structuration de l’univers du sujet. Elle organise le réel. L’enfant passe d’un égocentrisme aussi total qu’inconscient vers une décentration de plus en plus importante, telle qu’il finit par se situer comme un objet parmi les autres en un univers formé d’objets permanents, structuré de façon spatio-temporelle et siège d’une causalité à la fois spatialisée et objectivée dans les choses.

            - L’objet permanent : Au stade IV, l’enfant cherche en A, un objet caché en B, comme la première fois. Au stade V, l’objet est cherché en fonction de ses déplacements, l’enfant est capable de faire des inférences. La construction du schème de l’objet permanent est solidaire de toute l’organisation spatio-temporelle de l’univers pratique, ainsi que de sa structuration causale. Par exemple, vers 5-7 mois, quand on cache un objet que l’enfant a saisi dans sa main, il lâche l’objet et si c’est un biberon, il pleure.

            - L’espace et le temps : Au début, seulement un ensemble d’espaces hétérogènes tous centrés sur le corps propre : espace buccal, tactile, visuel, auditif,... et certaines impressions temporelles (attentes,...). Ces espaces se coordonnent ensuite progressivement (buccal et tactilo-kinesthésique) mais ces coordinations restent longtemps partielles tant que la construction du schème de l’objet permanent ne conduit pas à la distinction fondamentale des modifications physiques et des changements de position. AB + BC=AC; AB= -BA... ce qui implique une structuration temporelle.

            - La causalité : Le système des objets permanents et de leurs déplacements est indissociable d’une structuration causale. Dans l’exemple du cordon, au stade III, l’enfant le tire même pour essayer d’agiter des objets situés à 2 m de distance, d’autres se cambrent et se laissent retomber pour secouer le berceau. Une telle causalité = magico-phénoméniste ; phénoméniste parce que n’importe quoi peut produire n’importe quoi ; magique parce qu’elle est centrée sur l’action du sujet sans considération des contacts spatiaux. Au fur et à mesure que l’univers se structure par l’intelligence sensori-motrice, selon une organisation spatio-temporelle, et par la constitution d’objets permanents, la causalité s’objective et se spatialise, c’est-à-dire que les causes reconnues par le sujet ne sont plus situées dans la seule action propre, mais dans des objets quelconques, et que les rapports de cause à effet entre deux objets ou leurs actions supposent un contact physique et spatial.

·        L’aspect cognitif des réactions sensori-motrices : Le schématisme sensori-moteur se manifeste sous trois grandes formes successives :

- Structures de rythme
- Régulations qui différencient les rythmes initiaux (le contrôle par tâtonnement). Réactions circulaires : reproduction active d’une action fortuite (enfant qui lâche le téton et puis qui le reprend).
-   Réversibilité : Constitution de la notion d’invariant.

·       L’aspect affectif : Passage d’un état d’indifférenciation entre le moi et l’entourage physique et humain vers la construction d’un ensemble d’échanges entre le moi différencié et les personnes ou les choses.

 - l’adualisme initial : Stade I et II, sans doute aucune conscience du moi, c’est-à-dire aucune frontière entre le monde intérieur et l’ensemble des réalités extérieures. (cf. narcissisme primaire). Centration inconsciente sur le corps propre par indifférenciation moi non-moi. Les affects observables relèvent des rythmes généraux entre état de tension et apaisement.
- les réactions intermédiaires : Stade III et IV, inquiétude en présence d’un inconnu (cf. Spitz). Le contact avec les personnes devient de plus en plus important, annonçant le passage de la contagion émotionnelle à la communication.
- les relations “objectales” : Stade V et VI, choix de l’objet affectif, possible par la double constitution d’un moi différencié d’autrui et d’un autrui devenant objet d’affectivité. Le rôle de l’imitation dans l’élaboration du moi atteste de la solidarité et de la complémentarité des formations de l’ego et de l’alter.

[3] PIAGET, J., (1936), La naissance de l’intelligence chez l’enfant, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel et Paris, p. 8.

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