Psychologie du développement

1. Orientation cognitivo-constructiviste (suite)

 -         le stade pré-opératoire (de 2 à 7-8 ans) : C’est une période d’intériorisation de l’action. L’enfant se sert de ses représentations mentales pour évoquer les objets ou événements qu’il a rencontrés, même s’ils ne sont pas présents. C’est la fonction symbolique ou sémiotique où l’enfant apprend à exprimer un signifié à l’aide d’un signifiant (mot, dessin, geste symbolique,...) qui est développée.
            1ère étape : les indices et les signaux (la partie est l’indice du tout, cf. métonymie, il n’y a pas encore de différenciation entre signifiant et signifié, l’indice constitue un aspect du signifié).
   
         2ème  étape : les symboles (relation de ressemblance entre signifiant et signifié) et les signes (signification arbitraire. Ex. : triangle = danger). Le signe est collectivement conventionné.
« En effet, le propre de la fonction symbolique consiste en une différenciation des signifiants (signes et symboles) et des signifiés (objets ou événements, tous les deux schématisés ou conceptualisés) »
[4].

Piaget distingue au moins cinq conduites représentatives :

- imitation différée (enfant qui imite une fillette en colère). L’imitation permet le passage des conduites sensori-motrices aux conduites représentatives.
   
         - jeu symbolique ou jeu de fiction (le faire semblant). Il est essentiel à l’équilibre de l’enfant car il lui permet de transformer le réel par assimilation plus ou moins pure aux besoins du moi,  sans contraintes ni sanctions, tandis que l’imitation est une accommodation plus ou moins pure aux modèles extérieurs. L’intelligence est un équilibre entre ces 2 processus. Le jeu symbolique voit apparaître les conflits affectifs de l’enfant. Il peut servir à leur liquidation mais aussi à la compensation de besoins non assouvis, à des renversements de rôles (obéissance et autorité), à la libération et à l’extension du moi...
   
         Piaget relève 4 catégories de jeu :
   
                         -        le jeu d’exercice (plaisir fonctionnel, d’être la cause, d’affirmer un savoir),
   
                         -        le jeu symbolique (apogée entre 2-3 et 5-6 ans),
   
                         -        les jeux de construction,
   
                         -        les jeux de règles (billes, marelle,...).
   
         - dessin (différents niveaux dans le dessin enfantin selon l’âge de l’enfant[5]).
            - image mentale = imitation intériorisée. Il faut distinguer deux grandes catégories d’images mentales : 1) les images reproductrices qui se bornent à évoquer des spectacles déjà connus et perçus antérieurement, et 2) les images anticipatrices, qui imaginent les mouvements ou transformations ainsi que leurs résultats, mais sans avoir assisté antérieurement à leur réalisation. Au niveau pré-opératoire, les images mentales sont presque exclusivement statiques, avec difficulté systématique à reproduire des mouvements ou des transformations ainsi que leurs résultats eux-même. Ce n’est qu’au niveau des opérations concrètes (après 7-8 ans) que les enfants parviennent à ces reproductions et aux images anticipatrices.
   
         - langage : permet l’évocation d’événements inactuels (miaou)
   
                     -        phase de lallation spontanée (de 6 à 10-11 mois)
   
                     -        phase de différenciation de phonème par imitation (à partir de 11-12 mois)
   
                     -        phase des mots-phrases ou holophrases (au terme de la période sensori-motrice),
   
                          mots uniques qui expriment des désirs, des émotions, des constatations.
   
                     -        phrases à 2 mots, petites phrases sans conjugaison, acquisition progressive de structures grammaticales
                             (fin de la 2ème année).

Sur le terrain sensori-moteur, il existe déjà un système de signification car toute perception et toute adaptation cognitive consistent à conférer des significations (formes, buts ou moyens,…) mais le seul signifiant que connaissent les conduites sensori-motrices est l’indice ou le signal qui sont des signifiants indifférenciés du signifié, étant des parties ou des aspects de celui-ci.
Comme le langage est une forme particulière de la fonction symbolique, comme le symbole individuel est plus simple que le symbole collectif, la pensée précède le langage. « (…) le langage transforme profondément la pensée en l’aidant à atteindre ses formes d’équilibre par une schématisation plus poussée et une abstraction plus mobile ».
Deux étapes sont nécessaires à la pensée logique : - les opérations concrètes, - les opérations propositionnelles. De la même manière, l’enfant a d’abord besoin de manipuler les objets qui sont dans son champ perceptif avant de transposer cette coordination d’actions, ces classifications et sériations, sous une forme verbale.
En conclusion, le langage ne suffit pas à expliquer la pensée car les structures qui caractérisent cette dernière plongent leurs racines dans l’action et dans des mécanismes sensori-moteurs plus profonds que le fait linguistique. Plus les structures de la pensée sont raffinées, plus le langage est nécessaire à l’achèvement de leur élaboration. Par contre, le langage est nécessaire à l’échange interindividuel qui est largement fondateur de la pensée. On ne peut donc se limiter à un seul point de vue pour comprendre le développement de l’être humain.

Au stade préopératoire, l’enfant reste prisonnier de son propre point de vue. Il a du mal à imaginer que ce ne soit pas le seul possible (cf. animisme ou dédoublement en miroir). L’enfant qui vient de se jeter sur un pied de table le frappe avec rancœur, comme si le pied de table s’était jeté sur lui.

         le stade opératoire concret  (de 7-8 ans à 11-12 ans) : L’enfant devient capable d’envisager d’autres points de vue que le sien. A partir du moment où l’enfant reconnaît l’existence d’un invariant (acquisition du schème de la conservation avec un décalage dans l’acquisition de cette notion quant à une substance, un poids, un volume), il est capable d’opérations mentales, c’est-à-dire d’actions intériorisées et réversibles (il peut concevoir qu’à chaque action réalisée correspond une action inverse, que la modification d’une propriété de l’objet n’affecte pas toutes les propriétés de l’objet,...).
Les opérations mentales se coordonnent en systèmes d’ensemble qui sont des structures (les structures logico-mathématiques portent sur des quantités discontinues et conduisent aux notions de classe, relation, nombre ; les structures infralogiques portent sur des quantités continues d’espace et de temps et sont à l’origine de la mesure,...).
Les opérations mentales portent sur du matériel concret. Le raisonnement est encore très dépendant du contenu auquel il s’applique.

         la pensée intuitive : L’intuition joue un rôle dans le passage de la pensée préconceptuelle à la pensée opératoire. L’assimilation des petits ensembles jusqu’à sériation complète marque le fait que l’enfant s’appuie sur une figure d’ensemble qui sert d’image directrice, qui n’est pas un schème opératoire parce que l’enfant ne croit plus en l’équivalence des collections si on modifie la configuration. Pour passer au stade suivant, il manque à la pensée de se libérer de la configuration statique pour s’accommoder aux transformations possibles.

         le stade opératoire formel  (de 11-12 ans à 15 ans) : Le raisonnement porte sur un matériel abstrait. Il est hypothético-déductif, c’est-à-dire que le sujet est capable de tirer les conséquences nécessaires de vérités simplement possibles.

 

[4] PIAGET, J., (1923), Le langage et la pensée chez l’enfant, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel et Paris.
[5] Il est primordial de tenir compte de ces niveaux lors de l’interprétation des dessins d’enfant afin de ne pas conclure prématurément à un dysfonctionnement. Par exemple, LUQUET (1927) note que le non respect des proportions entre les éléments du dessin est une caractéristique des dessins des jeunes enfants. Il a appelé cette imperfection : l’incapacité synthétique. Il attribue le manque de proportion entre les traits d’un dessin du fait que « chacun d’eux est dessiné pour lui-même, parce qu’au moment où il l’exécute, l’enfant ne pense plus à ceux qu’il a tracés auparavant » (p. 122). L’enfant néglige donc les relations entre les éléments figurés. Luquet a invoqué d’autres explications à cette disproportion : - la maladresse graphique, - l’impuissance de l’enfant à arrêter ses traits au moment voulu, - l’espace disponible sur le papier fait raccourcir certains traits faute de place ou au contraire en fait allonger d’autres par horreur du vide, - la traduction inconsciente de l’importance que le dessinateur lui attribue. «L’incapacité synthétique s’atténue graduellement à mesure que l’attention de l’enfant devient moins discontinue et si l’on peut dire décousue. Il est alors en état, au moment où il figure un détail de penser, en même temps à ceux qui sont déjà représentés dans son dessin ; par suite, de sentir et de rendre leurs relations » (p. 126).

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