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Isabelle LEVERT

Psychologue clinicienne

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La phobie, une parade contre l'angoisse

Des peurs qui persistent au-delà du raisonnable

phobie  Une phobie se définit comme une crainte persistante envers un objet ou une situation spécifique (les souris, les chiens, les espaces clos, le vide, etc.) n'ayant pas un caractère réellement dangereux mais dont la confrontation provoque chez le sujet une réaction d'angoisse intense. Même si le sujet reconnaît l'irrationalité ou l'excès de sa peur, il ne peut la dominer et se maîtriser. On différenciera les pseudo-phobies, qui souvent sont culturellement apprises ou transmises, telle que la peur des serpents, des araignées, etc., des phobies véritables dont le caractère pathologique se reconnaît au fait qu'elles entravent considérablement la vie quotidienne. La peur des ponts ou des tunnels oblige à de nombreux détours, la peur de prendre l'avion empêche de voyager aux antipodes, l'émétophobie (peur de vomir) restreint les sources de plaisir gustatif ou de sorties, etc., l'éreutophobie (peur de rougir) se traduit par une timidité excessive qui invalide les échanges sociaux, etc.

La plupart du temps, les phobies de la petite enfance (peur du noir, de la solitude, du sang, des monstres,...) sont transitoires et spécifiques de l'aspect archaïque des angoisses liées à cet âge, c'est-à-dire, qu'elles sont massives, qu'elles déclenchent un état de panique intense, voire de terreur devant les représentations d'un danger d'anéantissement, de destruction, de dévoration,... En général, ces angoisses primitives disparaissent au fur et à mesure que l'enfant grandit, qu'il appréhende le monde qui l'entoure avec plus de réalisme, se rendant compte que le noir n'est pas dangereux en lui-même, que les monstres n'existent que dans son esprit ou dans les histoires que l'on invente, que se blesser et verser une goutte de sang n'est pas catastrophique... Le travail psychique, la moindre dépendance vis-à-vis des parents, l'intériorisation des interdits, etc. permettent une meilleure contenance de l'angoisse. Celle-ci prend une forme plus nuancée, plus élaborée et surtout symbolisée par l'épreuve de la castration. D'après le courant psychanalytique, cette atteinte de l'intégrité physique, fantasmée, serait la punition infligée au fils par le père pour avoir désiré l'évincer et lui dérober sa femme. Les mécanismes de défense sont mis en branle sous le coup des pulsions libidinales et agressives condamnables puisqu'elles éveillent l'angoisse dont le moi cherche à se protéger. La phobie est consécutive à l'angoisse, qui constitue un signal d'alarme mobilisant les défenses.

D'après les tenants de la psychanalyse, la phobie serait donc la conséquence du refoulement d'une motion pulsionnelle, sous le sceaux d'un interdit émanant de l'instance surmoïque. L'affect d'angoisse est alors scindé de la représentation qui l'a fait naître et se fixe sur un objet extérieur :  l'objet phobogène. Il y a un déplacement du danger, qui d'interne est devenu externe. La phobie est donc une "stratégie psychique" consistant à transformer une angoisse inabordable en une peur imaginairement plus supportable. Freud (1915), quant à la construction phobique, parle d' "une véritable projection dans le réel d'un danger pulsionnel : le moi se comporte comme si le danger de développement de l'angoisse ne venait pas d'une motion pulsionnelle, mais d'une perception et peut donc réagir contre ce danger extérieur par les tentatives de fuite des évitements phobiques".

L'analyse de la phobie du petit Hans qui avait peur des chevaux montre que le symptôme névrotique se rattache au complexe d'Oedipe et à l'angoisse de la castration. Il faut rappeler que l'étude de ce cas date du début du XXème siècle, époque où les chevaux sont nombreux dans les rues et époque très puritaine.  Le petit garçon, âgé de cinq ans, qui s'est senti mis de côté à la naissance de sa soeur, veut sa mère pour lui seul et est jaloux de son père perçu comme un rival. Il éprouve à la fois de l'agressivité à son égard mais aussi de l'affection. Il redoute une sanction à cause de son attitude hostile. La castration (la privation d'amour) est ressentie comme un danger réel. L'angoisse active les mécanismes de défense. Le retournement en son contraire conduit Hans à se sentir menacé par son père alors qu'au départ c'est lui qui souhaitait l'éliminer. Le déplacement sur l'animal et la régression vers le stade oral l'amènent à craindre d'être mordu par un cheval. Les refus de sortir évitent à Hans d'être confronté avec l'angoisse. Les défenses ont parfaitement rempli leur but puisque les représentations pulsionnelles sont maintenant tout à fait en dehors de la conscience. Le souci est que la névrose restreint considérablement la liberté d'action et le champ des possibles.

L'anxiété ne se manifestant qu'en présence de l'objet ou face à la situation critique, le sujet aura recours à des conduites dites contraphobiques. Les manœuvres destinées à protéger le sujet contre son angoisse peuvent être regroupées en trois catégories :
- les conduites d'évitement qui visent à empêcher la rencontre avec l'objet ou la situation phobogène : faire un long détour pour ne pas passer à tel endroit où il y a des chiens, refuser d'utiliser certains moyens de transport, rester confiné(e) chez soi, gravir dix étages à pied plutôt que de prendre l'ascenseur, etc.
- les conduites de réassurance qui permettent au sujet de surmonter son angoisse grâce à la présence d'une personne proche, d'un animal protecteur ou même d'un objet (grigri) mais aussi par des attitudes particulières comme chanter, parler, compter des choses, etc.
- les conduites de provocation où le sujet joue avec sa phobie et adopte vis-à-vis de son entourage une attitude hautaine et défiante qui peut rendre son existence de plus en plus appauvrie.
Tous ces comportements du sujet découlent de sa phobie et visent à conjurer l'angoisse, soit en évitant l'objet phobogène, soit en utilisant un objet contraphobique. En ce sens que cet objet peut s'intégrer progressivement dans l'identité même du sujet et qu'il participe à la préservation du moi qui pourrait voler en éclat sous l'angoisse, l'objet contraphobique a une fonction narcissique.

La phobie scolaire

Le terme de phobie scolaire s'applique aux enfants qui, refusent d'aller à l'école, sans pouvoir fournir une explication valable. Les manifestations d'angoisse sont vives dès que l'on cherche à vaincre leur opposition, alors même que précédemment la scolarité était investie. Il faut différencier la phobie scolaire du refus scolaire qui, lui, trahit une angoisse de séparation primaire, repérable au fait que l'enfant reste prostré, geignard dans un coin de la classe, incapable de participer aux activités et de penser à autre chose qu'au retour chez lui, près de sa maman. Par contre, lors de la rentrée scolaire initiale de l'enfant, une réaction anxieuse le premier jour ou les premiers jours est courante et n'a rien d'anormal ou de pathologique. On réservera donc le diagnostic de phobie scolaire lorsque le refus de l'école survient après une période de relative adaptation et s'accompagne d'une forte angoisse lorsque l'on veut l'y obliger. Il ne faut pas confondre ces situations avec l'absentéisme à l'adolescence où manquer les cours est une façon de défier l'autorité ou un désintérêt marqué qui signe un état dépressif. L'angoisse se manifeste au travers de divers symptômes (maux de ventre, nausées, vomissements, dyspnée, insomnies, etc.) et se traduit dans les supplications pour ne pas y aller ou les promesses de s'y rendre plus tard, voire même la fuite si on le mène de force. Il se peut que l'enfant tente d'apporter une explication rationnelle à sa réaction, en accusant la sévérité du professeur, les brimades de certains élèves ou la peur des contrôles mais tous les essais pour l'aider s'avèrent vain. Ceux qui parviennent à travailler régulièrement à la maison maintiennent un bon niveau scolaire mais pour beaucoup les apprentissages scolaires sont abandonnés.

Le mécanisme déterminant dans la genèse de cette phobie est, selon Bowlby, la réactualisation de l'angoisse de séparation. L'apparition de cette angoisse (environ vers le 8ème mois) est normale au cours du développement de l'enfant et elle joue même un rôle structurant mais elle doit s'estomper avec l'avancée en âge et être surmontée vers deux ou trois ans, sous peine d'affecter le fonctionnement social. Les manifestations symptomatiques de l'angoisse de séparation sont :
- une peur irréaliste que les figures d'attachement partent et ne reviennent plus ;
- une réticence à quitter la maison familiale ou les proches ;
- une tendance à fuir la solitude ;
- une crainte disproportionnée qu'il n'arrive quelque chose de grave qui le sépare des personnes familières (accident, mort, kidnapping, etc.) ;
- des cauchemars récurrents avec des thèmes de séparation, de perte ;
- une angoisse excessive en cas de séparation ou même à la perspective de celle-ci ;
- un agrippement aux personnes familières ;
- une inhibition psychomotrice lors des épisodes de séparation.
Parmi les facteurs qui interviennent et qui expliquent que cette angoisse perdure anormalement, on retrouve fréquemment :
- la présence d'une angoisse chronique chez la mère, qui a besoin de la compagnie de l'enfant et qui le retient plus ou moins inconsciemment auprès d'elle ;
- la peur injustifiée du parent qu'un danger guette l'enfant, qui amène souvent à le surprotéger (couvé, trop gâté, etc. ) ;
- la volonté de l'enfant de rester auprès du parent pour le protéger d'une menace (réelle ou fantasmatique) ;
- la crainte qu'il soit oublié, abandonné, plus aimé à son retour.

L'école n'a qu'un rôle accessoire dans la mesure où elle offre un support pour le déplacement de l'angoisse. La situation scolaire sert à matérialiser l'angoisse, un peu comme un prétexte ou un alibi. La phobie scolaire est très souvent précédée d'un événement qui réveille l'angoisse de séparation et qui constitue l'élément déclencheur, même si les choses prennent le temps de mijoter un peu avant d'éclater au grand jour. L' événement précipitant peut être : une hospitalisation, un décès dans l'entourage, une naissance, un déménagement, une séparation des parents, un changement d'école, etc., soit toute situation qui entraîne une perte des repères. Le pronostic sera d'autant meilleur que l'enfant est jeune et que l'intervention thérapeutique a lieu rapidement. Il faudra examiner avec soin le schème d'interactions entre l'enfant et sa famille.

La phobie sociale

La phobie sociale se caractérise par une crainte excessive de se rendre ridicule sous le regard d'autrui, en exprimant une émotivité inadéquate, en ayant un comportement inadapté. Elle induit chez les personnes qui en souffrent une peur permanente d'être jugés négativement par les interlocuteurs ou les témoins. Elle se démarque de la simple timidité par son intensité. Elle se décline sous diverses formes symptomatiques : la peur de parler en public, de rougir, de vomir, de trembler, etc. L'entourage ne s'en aperçoit pas tant que le sujet réussit à éviter les situations anxiogènes, quelques fois au prix de stratégies coûteuses en énergie et qui rendent la vie plus compliquée. Bien souvent, être accompagné d'un proche accroît l'angoisse car il est plus difficile pour le sujet d'être évalué par quelqu'un qui compte pour lui que par un quidam. La consommation excessive d'alcool, à cause de ses propriétés désinhibitrices, figure régulièrement au tableau clinique et pèse sur le pronostic.

La phobie sociale est une maladie qui combine deux émotions : la peur (avant et pendant les situations sociales) et la honte (pendant et après les situations sociales). Ces deux émotions très pénibles à éprouver poussent peu à peu les patients à fuir ou à éviter de nombreuses situations de la vie quotidienne. La phobie sociale ne s'améliore pas spontanément. Elle exige un traitement spécifique. Les thérapies comportementales et cognitives donnent de bons résultats et seront indiquées en première intention.

Le trouble panique

L'attaque de panique se définit comme une montée de peur très violente, brutale, incontrôlable, accompagnée de nombreuses manifestations physiques qui font penser à la personne qu'elle est en train de mourir ou d'un sentiment de déréalisation qui lui donne l'impression de devenir folle. Les attaques de panique sont tellement bouleversantes que la personne appréhende considérablement leur retour. C'est alors ce qu'on peut appeler : l'angoisse de l'angoisse, où le moindre symptôme est interprété comme un signe avant-coureur d'une nouvelle attaque imminente au point de déclencher lui-même une autre crise. Ce mouvement est dénommé la "spirale panique". La peur de revivre des attaques de panique peut conduire le sujet à éviter les situations qui ont vu se produire les épisodes, jusqu'à une restriction importante de sa liberté d'action. 

L'agoraphobie

Cette phobie est consécutive à un malaise au cours duquel l'individu, en proie à des palpitations, des sueurs froides, des vertiges, etc.  s'est vu mourir tant il se sentait mal et impuissant et dont il garde un souvenir éprouvant. A la suite, les lieux dont il est difficile de s'échapper rapidement, ou où il pourrait avoir une crise sans que personne ne lui vienne en aide sont devenus synonymes d'angoisse. La présence d'un tiers à ses côtés est en général suffisamment rassurante pour que la personne ose sortir.

La phobie d'impulsion

Elle se situe entre les phobies et les troubles obsessionnels. Elle se caractérise par une peur obsédante de passer à l'acte et de faire du mal à des êtres proches. Il est d'autant plus intolérable au sujet phobique d'imaginer cet acte agressif qu'il lui est déjà intolérable de pouvoir y penser. Aucune pensée négative, malsaine, mauvaise n'est acceptable ; aucun risque n'est imaginable ; aucun doute n'est possible. Tout doit être parfait, sans tache, contrôlé, maîtrisé. Fantasmer l'acte, douter de ses capacités de ne pas passer à l'acte, c'est déjà une pensée coupable... "Qu'est-ce qui se passerait si je ne me réfrénais pas ? Lâcher prise, c'est aller vers l'inconnu et l'inconnu est forcément attendu comme négatif, donc hostile.

Isabelle LEVERT
Psychologue clinicienne
Psychothérapeute

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