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Isabelle LEVERT

Psychologue clinicienne

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La psychothérapie intégrative

Essai de modélisation

Trois grandes écoles dominent le champ des psychothérapies, toutes trois attrayantes mais présentant l’inconvénient de leur limite. Comment mieux bénéficier de leurs avantages respectifs si ce n’est en les associant ? 

photo vaucluse 84 en automneLa psychothérapie est un art derrière lequel il y a la science. Pour le pratiquer, le psychothérapeute a à sa disposition des techniques comme un artisan une boîte à outils. Trois grandes écoles dominent le champ des psychothérapies, toutes attrayantes mais présentant l’inconvénient de leurs limites. Comment mieux bénéficier de leurs avantages respectifs si ce n’est en les associant ? Le comportementalisme est parti du postulat que l’intra-psychique est une boîte noire dont on ignore ce qu’il s’y passe ou, en tout cas, que c’est invérifiable et qu’il vaut mieux s’intéresser aux entrées et aux sorties. Autrement dit, en proposant au patient d'expérimenter de nouveaux comportements, il est possible de modifier ses représentations. Les cognitivistes se penchent sur les croyances invalidantes et les phénomènes de distorsion de la rationalité. Ces deux approches sont souvent regroupées et donnent lieu au courant cognitivo-comportemental. La psychanalyse, née dans un contexte aujourd’hui révolu, a toutefois permis des avancées théoriques quant au fonctionnement psychique et au déterminisme indéniable de l'enfance. Cette approche permet de corriger des modèles hérités d'un passé lointain. La systémique s’attache aux interactions entre les membres d’un système et a mis en lumière l'incidence de la communication sur les boucles de rétroaction. Le psychothérapeute doit adapter sa pratique au consultant et à sa problématique ainsi qu'à son évolution au cours de la thérapie. En amont, les trois approches me permettent de concevoir les dysfonctionnements psychiques et/ou relationnels comme des boucles pathogènes et pathologiques. En aval, la notion de circularité me permet de faire appel à l'une ou à l'autre pour intervenir de la manière la plus efficiente.

Pourquoi réserver le terme de système aux interactions entre différents individus ? Il peut être utile d’étendre son application à la sphère intra-psychique, à la dynamique entre les instances (moi, ça, surmoi) et aux mouvements d’investissement et de contre-investissement. La compulsion de répétition dit bien la difficulté pour la personne en souffrance de sortir de sa problématique, d’occuper une position méta pour définir autrement les enjeux de sa vie. Même s’il est intéressant de retracer l’histoire (linéarité) d’un pathos, il est pertinent de pouvoir représenter les processus actuels inhérents à la souffrance psychique et à son maintien hic et nunc par un schéma circulaire. Il est alors possible d’imaginer une rupture de la spirale infernale à un niveau quelconque, ce qui peut être salvateur ou en tout cas générateur d’autre chose. Le rapprochement entre le présent et le passé aide à construire cette figuration et à déjouer les blocages cognitifs et émotionnels.

A l’origine de la créativité, il y a certes la source pulsionnelle mais plus encore la confiance en soi qui s’inaugure dans le lien avec les figures des premiers soins, des premiers attachements mais qui, au final et en dernière analyse, ne peut se trouver qu’au sein d’un rapport entre soi et soi. Le sujet réside dans ce mouvement de dédoublement ou plus exactement de dégagement où deux entités intriquées sont en cause : le Je qui regarde le moi. Qui suis-je ? La réponse peut être ouverte et aboutir à une construction, ou fermée et enclencher une destruction ou une auto-destruction. L’estime de soi est donc fondamentale pour dépasser la honte. La relation transférentielle réactualise le processus de séparation/individuation. La reconnaissance de la nature du transfert et du contre-transfert permet de pointer les zones d’ombres de la construction identitaire. La continuité du lien permet de réparer les blessures narcissiques et de ré-enclencher le mouvement d’épanouissement de la personne.

Le sujet naît de cette impossibilité de se trouver tout entier, de cette reconnaissance d’être inachevé (le manque en soi). De ce constat conscient mais plus souvent inconscient découle la recherche de l’Autre. Qu’est-ce que je désire ? L’individu qui espère trouver un double de lui-même (narcissisme) se leurre parce que jamais cet autre imaginé identique ne comblera la part manquante. Il est manquant lui aussi ! La joie passe par l’accès à l’altérité, à l’acceptation de la différence qui seule peut réaliser la complémentarité. La notion de rétroaction permet de comprendre comment la relation entre deux individus peut se figer ou évoluer, comment le sujet se perd ou se retrouve.

Je n’existe pas seul ! Je n’adviens que par l’Autre. Le sujet est dans cet entre-deux instable, entre le Je et l’Autre mais aussi dans la continuité entre sa pensée et son action. L’équilibre psychologique est donc tributaire de la relation entretenue avec soi-même et de la relation au monde. C’est pourquoi, il me semble adéquat de nouer l’optique psychanalytique et l’approche systémique pour penser la psychothérapie. De plus, être psychothérapeute pour l’autre c’est chercher à être soi-même sujet, c’est s’inscrire dans une volonté d’apaisement de sa souffrance, c’est penser son problème et agir en vue de sa résolution. C’est participer au changement ! En cela accepter de poser des actes de thérapeute, quelque soit son étiquette, c’est prendre le risque d’intervenir dans la vie du consultant. Cette activité (au sens de être actif) introduit par elle-même des modifications dans le ou les systèmes pathogènes et pathologiques du consultant qui ont pour effet de le soulager ou de le mettre en crise.

La crise contient une potentialité de remaniement cognitif et émotionnel, intra-psychique et relationnel. Elle est intimement liée à la créativité. Susciter la crise est donc un des outils du psychothérapeute. Les portes d’entrée sont multiples mais toutes concernent directement ou indirectement les certitudes paralysantes et/ou les émotions envahissantes ou appauvries du consultant. Travailler à plusieurs niveaux démultiplie la portée des interventions psychothérapeutiques sur la réalité subjective (du sujet). Focaliser sur l’intra-psychique permet d’assouplir des frontières trop rigides entre le conscient et l’inconscient ou d’instaurer des limites entre les instances (moi-ça-surmoi), là où elles sont inconsistantes. Mettre l’accent sur les relations inter-personnelles permet de travailler de manière pragmatique la conciliation entre le principe de réalité et le principe de plaisir.

Brièvement, plutôt que de considérer la complexité comme une entrave à la compréhension de l’être humain, s’attacher à la multi-dimensionnalité, d’un point de vue méta, permet d’y puiser les ressources pour opérationnaliser le changement pensé en s’appuyant sur les possibilités internes et externes de la personne. Ainsi, la psychothérapie intégrative a pour objectif de favoriser ou d’améliorer l’harmonie entre la dimension réflexive et la dimension de l’agir qui s'influencent l'un l'autre, de favoriser ou d'améliorer l'harmonie entre le corps et l'esprit, de restaurer la souplesse des aller et retours entre le dégagement et l’engagement. In fine, la psychothérapie intégrative a pour but de réfléchir et de concrétiser le changement en tenant compte de la singularité de la personne, de la totalité de sa situation et d'un maximum de potentialités.

De nombreuses problématiques contemporaines peuvent s’expliquer par un défaut de la transitionnalité, à mettre en rapport avec la constitution de l’aire de l’illusion (cf. Winnicott) et dont le penser-fantasmer pâtît. Le juste équilibre entre l’utopie et l’hyperréalisme mortifère conditionne l’accès au rêve et à la créativité. Face à une insatisfaction grandissante, il faut pouvoir imaginer une autre vie. Il faut que le changement soit réalisable et se croire apte à l’effectuer. Être réaliste c’est savoir où sont ses faiblesses mais aussi ses forces, peser le danger ou la sécurité. Beaucoup de personnes ne créent pas parce qu’elles n’ont pas appris qu’ébaucher et tenter un projet c'est mettre un rêve en péril en non pas soi.

Être un sujet vivant, c’est prendre le risque de la mort, le risque de la perte et du vide. L'être sujet a à trouver/créer lui-même ses repères pour surmonter le vide et l'état limite qui l'accompagne mais il arrive qu'il défaille et qu'il ait besoin d'un coup de pouce pour démarrer ou redémarrer après un événement-choc. Le thérapeute travaille à donner au consultant les moyens de se situer à l’interface entre l’individuel et le collectif et de construire un projet de vie, immédiat et à plus long terme, congruent avec ses aspirations profondes et en cohérence avec les divers aspects de son existence quotidienne (famille, profession...). Bien souvent, la personne qui consulte est en panne et en attribue l'origine à un événement critique. Or, un événement critique s'accompagne presque toujours d'autres agents catalyseurs. Le processus de causalité ne suit pas un simple mouvement de linéarité mais bien un mouvement en spirale.

Le psychothérapeute qui intègre différentes orientations complémentaires saisit mieux la réalité du consultant, ses valeurs, ses contraintes et ses potentialités. Le recours à une autre approche de la problématique peut être un levier puissant au service de la prise de conscience et de l’émergence du sens. Dans cette optique, la prescription de tâches n’est pas synonyme de directivité et n’est pas incompatible avec la notion de neutralité bienveillante. L’intervention qui ne vise pas à contrôler la vie de l’autre mais au contraire à lui permettre d’en reprendre les rennes est respectueuse de sa différence et de ses choix, simplement elle lui offre de décider dans une plus grande lucidité, de dépasser la confusion même si parfois c'est en l'amplifiant exagérément que l'objectif est atteint. Dans cette perspective, l’usage de la métaphore est à privilégier. En effet, une image, un conte, un proverbe,... déstabilisent et renvoient de multiples résonances qui toucheront chacun selon le niveau auquel il se situe, dans ses dimensions temporelle et spatiale. La psychothérapie intégrative articule la dimension temporelle et spatiale de l’être sujet qui doit trouver/créer lui-même ses repères pour surmonter le vide et l’état limite qui l’accompagne - vécu de plus en plus prégnant à notre époque caractérisée par l’affaiblissement du poids de la norme sociétale et le déclin de l’autoritarisme.

Isabelle LEVERT
Psychologue clinicienne
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