Psychologie du développement

3. Orientation psychanalytique

 

3.6. Les fondements de la psychanalyse freudienne

        3.6.3. Les stades de l'investissement libidinal

3)      Le stade phallique

Ce stade est caractérisé par une unification des pulsions partielles sous le primat des organes génitaux ; mais, ce qui ne sera plus le cas dans l’organisation génitale pubertaire, l’enfant, garçon ou fille, ne connaît à ce stade qu’un seul organe génital, l’organe mâle, et l’opposition des sexes est équivalente à l’opposition phallique-châtré ; le complexe de castration y est prévalent. Ce n’est qu’à la puberté que s’édifie l’opposition masculinité-féminité.

Ø  Primat de l’assomption phallique

            Le pénis est l’organe mâle dans sa réalité anatomique alors que le phallus souligne la fonction symbolique attribuée au pénis (la dimension symbolique du complexe d’Œdipe est abordée au travers de cet objet). Il faut entendre par phallus un fantasme selon lequel la possession d’un pénis procure et signifie complétude et puissance. Pour Freud, ce qui caractérise le plus le phallus, c’est d’être un objet détachable, c’est-à-dire un objet partiel. Entre la mère et l’enfant, il y a un objet imaginaire : le phallus. C’est une réalité psychique, autrement dit, un organe imaginaire qui existe dans le fantasme.

L’enfant construit cet objet (phallus) à partir du constat de la différence des sexes. Au départ, il est persuadé que tout le monde a la même chose, est identique, comme s’il refoulait la perception de la différence. Il ne peut imaginer que sa mère toute puissante manque de quelque chose. Il lui attribue un organe phallique imaginaire. Quand la réalité s’impose à lui et qu’il accepte la différence d’organes sexuels, il repère ce qui manque et ce qui ne manque pas (il ignore le rôle de la semence et l’existence de l’organe féminin interne, donc invisible). Il est troublé... Le constat de la différence des sexes destitue l’enfant de l’omnipotence.

            Le fantasme de la scène primitive est un des fantasmes originaires qui organisent la vie fantasmatique de l’enfant et participent à sa construction psychique. Cette scène, dont l’enfant a été témoin ou qu’il a fantasmée[1] et dont il est exclu, attise le sentiment d’abandon et d’incomplétude narcissique. Il ne peut pas tout à lui tout seul. L’objet phallique, cette dimension purement imaginaire qui naît du manque devient un objet convoité. Le primat du phallus c’est la promotion de cet objet mythique.

Ø  Le complexe d’Œdipe

Le complexe d’Œdipe joue un rôle fondamental dans la structuration de la personnalité et dans l’orientation du désir humain. Les psychanalystes en font l’axe de référence majeur de la psychopathologie, cherchant pour chaque type pathologique à déterminer les modes de sa position et de sa résolution.

Le complexe d’Œdipe n’est pas réductible à une situation réelle, à l’influence effectivement exercée sur l’enfant par le couple parental. Il tire son efficacité de ce qu’il fait intervenir une instance interdictrice (prohibition de l’inceste) qui barre l’accès à la satisfaction naturellement cherchée et lie inséparablement le désir et la loi.

a) Le mythe de Sophocle : “Oedipe Roi”

Dans la mythologie grecque, Laïos, roi d’Athènes, était allé consulter l’oracle de Delphes car son épouse Jocaste ne parvenait pas à avoir d’enfant. L’oracle lui répondit que tout enfant de Jocaste le tuerait. Quand Jocaste mit au monde un enfant, conçu peu après cette prédiction, Laïos décida de l’abandonner. Mais Oedipe fut sauvé par des bergers et adopté par Polybe, roi de Corinthe, qu’il considéra comme son père. Curieux de ses origines et de son destin, Oedipe alla consulter l’oracle qui lui indiqua qu’il tuerait son père et épouserait sa mère. Quittant alors sa ville, il croisa fortuitement Laïos au carrefour de deux routes. Celui-ci refusa de lui céder le passage et Oedipe le tua. Vainqueur du Sphinx (énigme), qui barrait l’entrée de la ville et la ravageait, il fut proclamé roi de Thèbes et épousa Jocaste, réalisant ainsi la prophétie de l’oracle. Informé, par le devin Tirésias, de l’identité d’Oedipe, Jocaste se pendit et Oedipe se creva les yeux. Œdipe, en grec, signifie les pieds liés.

La référence au mythe affirme l’universalité de l’Œdipe, au-delà de l’histoire et des variations du vécu individuel. Le complexe d’Œdipe connote la situation de l’enfant dans le triangle mère-père-enfant. Il faut signaler que Mélanie Klein fait remonter le complexe d’Œdipe à la position dépressive dès qu’intervient la relation à des personnes totales. En portant son intérêt sur la relation triangulaire elle-même, on est conduit à faire jouer un rôle essentiel, dans la constitution d’un complexe d’Œdipe donné, non seulement au sujet et à ses pulsions, mais aux autres foyers de la relation (désir inconscient de l’un et l’autre parents, séduction, rapports entre les parents). Ce qui sera intériorisé et survivra dans la structuration de la personnalité, c’est au moins autant que telle ou telle image parentale, les différents types de relations existant entre les différents sommets du triangle.

b) La castration

Pendant longtemps, l’enfant est dépendant d’une même personne – la mère comme premier objet d’amour -, qui lui prodigue des soins, du plaisir. Il lui est très difficile de s’en détacher c’est-à-dire de trouver un peu d’amour pour une autre personne, ce qui n’est possible que par l’introduction d’une séparation. L’amour est total car la dépendance est totale. Dans la mesure où la mère regarde un autre, le père, l’enfant considère son existence. Fille ou garçon, l’enfant est en rivalité avec le père et veut l’évincer du désir maternel.

La castration ne se réduit pas à la crainte d’une mutilation anatomique mais surgit au moment où l’enfant prend conscience qu’il ne suffit pas au désir de sa mère, qu’il y a un ailleurs (cf. nom-du-père) auquel elle s’intéresse. Il imagine qu’il lui manque quelque chose de très important, très puissant, très comblant, le Phallus. Ce signifiant Phallus est le symbole d’un manque. Un sujet se définit sexuellement sur cette constatation d’une castration.

C’est par rapport à ce phallus que l’être humain se détermine en tant qu’homme ou femme. Cette identification sexuée ne se réalisera réellement qu’à la puberté. Les notions de féminité et de masculinité ne prennent consistance qu’au moment des remaniements identificatoires[2] de cette période, c’est-à-dire lors du choix définitif d’objet. C’est à partir du moment où des substituts phalliques se mettent en place par rapport à un manque (la castration) que l’enfant entre dans l’ordre du symbolique. (Chaîne des substituts phalliques au cours de la vie).

La fille et le garçon ne sont pas identiques face au complexe de castration[3]. “Chez le garçon, le complexe d’Oedipe sombre sous le complexe de castration... ce dernier est ce qui rend possible et introduit le complexe d’Oedipe chez la fille.”


[1] D’autres mécanismes entrent en compte et participent à cette fonction organisatrice :
-          l’identification à l’un des partenaires, parfois aux deux et assez souvent dans le sens de la passivité ;
-          la projection de la propre agressivité du sujet. Cette scène est la plupart du temps vécue comme sadique, en fonction des cris, bruits ou gémissements perçus.
[2] “Identification : Processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre et se transforme, totalement ou partiellement, sur le modèle de celui-ci. La personnalité se constitue et se différencie par une série d’identifications” (LAPLANCHE, J., & PONTALIS, J.-B.., (1967), Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1971.
[3] Tandis que la lutte pour l’autonomie, à son plus fort, s’était concentrée sur le souci d’écarter les rivaux, ce qui en faisait surtout l’expression d’une fureur jalouse dirigée le plus souvent contre les empiètements des frères et des sœurs plus jeunes, l’initiative comporte une rivalité anticipatrice avec ceux qui étaient les premiers sur place et qui du coup, occupent avec un équipement supérieur, le terrain vers lequel se porte l’initiative de l’individu en question. Jalousie et rivalité, ces tentatives souvent amères et cependant essentiellement puériles pour démarquer une sphère de privilège incontesté, atteignent maintenant au plus haut point de la lutte finale en faveur d’une position préférentielle auprès de l’un des parents : inévitable et nécessaire, l’échec conduit à la culpabilité et à l’angoisse. L’enfant se complaît dans ses fantaisies où il est un géant ou un tigre, mais dans ses rêves il court de terreur pour sauver sa vie. C’est bien alors le stade de la crainte pour la vie et  pour le membre, le stade du complexe de castration – crainte intense de perdre ou, chez la fille, d’avoir déjà perdu l’organe génital mâle en guise de punition pour des fantaisies ou des actes commis en secret. » (ERIKSON, E. H., (1968), p. 115)

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