Psychologie du développement

3. Orientation psychanalytique

 

3.6. Les fondements de la psychanalyse freudienne

        3.6.3. Les stades de l'investissement libidinal

            Pour Freud, la sexualité n’est pas réductible au génital, ses manifestations existent d’emblée. Le siège des excitations sexuelles précoces est constitué par les zones érogènes, essentiellement orale et anale. La focalisation des excitations sur ces points particuliers du corps n’obéit pas seulement à des motifs anatomo-physiologiques, mais résulte du fait qu’ils constituent des lieux privilégiés d’échanges avec l’extérieur et, en particulier avec la mère. Autrement dit, parler des stades prégénitaux de la libido est pour Freud une façon d’aborder la sexualité infantile.

            La théorie des stades est inséparable de deux concepts associés : la fixation et la régression. La conception psychanalytique de la pathologie mentale implique la théorie des stades. La fonction sexuelle passe par un certain nombre d’étapes avant d’arriver à l’état qui caractérise l’âge adulte. Qu’elle reste accrochée à un stade antérieur constitue un point de fixation jusqu’auquel l’organisation du moi pourra régresser en cas de stress trop importants.

1)      Le stade oral

            « Dès que le nouveau-né a abandonné sa symbiose avec le corps maternel, sa capacité innée et plus ou moins coordonnée, d’absorption par la bouche rencontre, chez sa mère, une intention et une capacité plus ou moins coordonnées de le nourrir et de lui faire bon accueil. A ce stade, il vit par la bouche et aime avec la bouche et la mère vit par son sein et aime avec son sein ou avec n’importe quelle partie de son visage ou de son corps qui exprime l’empressement de subvenir aux besoins de l’enfant. (…) Comme il est désireux et capable de sucer des objets appropriés et d’avaler les fluides appropriés qu’ils émettent, il est bientôt désireux et capable d’ « absorber » avec les yeux tout ce qui entre dans son champ visuel. Ses sens également semblent « absorber » tout ce qui est éprouvé comme bon. Aussi peut-on justement parler d’un stade incorporatif dans lequel l’enfant est, relativement parlant, réceptif à ce qu’on lui offre »[1].

Ce stade est aussi appelé phase cannibalique parce que l’activité sexuelle n’est pas séparée de l’ingestion des aliments. La différenciation des deux courants se fera ultérieurement. La succion du pouce montre bien que la pulsion orale n’est pas qu’une pulsion de conservation mais bien aussi une pulsion sexuelle cherchant le plaisir en soi, indépendamment de la satisfaction d’un besoin vital. La source est la zone orale ; l’objet est dans un rapport étroit avec l’alimentation ; le but est l’incorporation, prototype de ce que sera plus tard l’identification. L’activité de nutrition fournit les significations électives par lesquelles s’exprime et s’organise la relation d’objet ; par exemple la relation d’amour à la mère sera marquée par les significations : manger, être mangé. Abraham a proposé de subdiviser ce stade en fonction de deux activités différentes : succion (stade oral précoce) et morsure (stade sadique oral). L’activité de morsure et de dévoration implique une destruction de l’objet et l’ambivalence pulsionnelle apparaît (libido et agressivité dirigées sur un même objet).

            Le terme de cannibalisme renvoie donc aussi à l’agressivité que l’enfant décharge contre le sein qui a manqué. Winnicott souligne toute l’importance que la mère tolère ces sentiments, les accepte pour que l’enfant puisse les accepter comme sien. Sans cela il ressent ses mouvements pulsionnels agressifs comme ayant détruit la mère ou comme dangereux si bien que la culpabilité primitive ne peut être élaborée, ce qui paralyse l’accès à la sollicitude (responsabilité) et à la réparation. Les angoisses archaïque se traduisent dans des fantasmes de destruction et de dévoration. Bion parle de la fonction α de la mère, de sa capacité de rêverie qui permet de transformer les éléments β en éléments α, et qui, dans un second temps, est intériorisée par l’enfant.


[1] ERIKSON, E. H., (1968), Adolescence et crise – la quête de l’identité, Paris, Flammarion, 1972. p. 94.

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