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Isabelle LEVERT

Psychologue clinicienne

Psychothérapeute

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La violence conjugale

Briser les chaînes du silence pour en sortir

Dans tous les cas, sans aucune exception, la violence conjugale est inacceptable ! Rien ne peut la justifier. Pourtant, elle est une réalité dans tous les pays du monde et elle concerne toutes les catégories sociales ou culturelles. Encore au 21ème siècle, en France, pour une femme sur dix, le foyer est synonyme de danger, tous les trois jours une femme meurt des violences subies.

Le plus souvent, la violence conjugale dérive de comportements machistes des hommes envers les femmes, qui entendent exercer ainsi leur domination et imposer leurs volontés.

violence conjugale1. Définition

La violence conjugale ou violence domestique s'inscrit dans un processus au cours duquel, pour instaurer et maintenir une supériorité, le partenaire recourt à la force, à la menace, à la contrainte ou à tout autre moyen de pression ou de maltraitance. L'autre est traité comme un objet et non comme un sujet de droits.
La violence conjugale peut se décliner sous différentes formes, commençant toujours par la violence verbale et psychologique.

La violence psychologique vise à déstabiliser la victime, à annihiler ses repères afin qu'elle doute du bien fondé de sa propre position ou perception des choses, qu'elle se soumette aux vues de son bourreau ou qu'elle ne se rebelle pas. Dans cette catégorie, figurent :
- le mutisme ou le refus de parole pendant plusieurs heures et parfois plusieurs jours,
- les insultes,
- les hurlements ou le fait de parler à l'autre en collant son visage contre le sien,
- les vexations,
- les critiques incessantes,
- les sarcasmes,
- les remarques désobligeantes,
- le chantage affectif ou financier (utilisé comme un moyen de contrôle),
- les ordres contradictoires ... ,
- le harcèlement,
- tous les comportements de mépris, d'avilissement ou d'asservissement de l'autre, ainsi que
- les propos dévalorisants, les dénigrements, la dévaluation des actions ou pensées de l'autre, les jugements négatifs à l'encontre de sa personne.
Il s'agit de toutes les attaques qui touchent l'intégrité psychique de la partenaire et qui sont en fait des actes de tortures mentales.

La violence physique concerne toutes les atteintes portées au corps de l'autre, tels que les coups de poing, de pied, la strangulation, les gifles, les brûlures, les mutilations ; cette escalade pouvant aller jusqu'au meurtre. La séquestration s'inscrit dans cette rubrique en tant que privation de liberté, voire mise en esclavage. 

La violence sexuelle concerne la contrainte sexuelle, qu'elle s'exerce par la brutalité ou par une pression insidieuse laissant entendre que si la partenaire ne cède pas et n'accepte pas le rapport sexuel, elle doit s'attendre à subir des mesures de rétorsion. Le viol est clairement une agression sexuelle mais également toute relation non librement consentie et même désirée. Certaines femmes se soumettent aux envies de leur partenaire pensant que c'est un "devoir conjugal" et qu'elles n'ont pas le droit de refuser ou plus simplement pour éviter de l'énerver et d'être la proie des assauts de sa colère. Elles se font ainsi objet de l'autre, en quelque sorte une poupée gonflable améliorée. D'ailleurs, certains hommes particulièrement pervers vont jusqu'à "prêter" leur partenaire à leurs amis ou clients. Le proxénétisme fait bien sûr aussi partie de la violence sexuelle.

La violence conjugale est donc toujours une atteinte volontaire à l'intégrité de l'autre. Ses conséquences sont tragiques. La violence domestique a pour résultats notamment 
- de générer une souffrance colossale,
- de provoquer de la peur et un état de stress permanent,
- de nuire à l'équilibre des enfants vivant dans un climat familial catastrophique,
- de maintenir la victime sous emprise, l'empêchant de se dégager d'une relation destructrice.  

2. La spirale de la violence

La violence conjugale ne constitue pas un fait isolé ou un "accident" dans une relation de couple en difficulté. Elle est toujours un abus de pouvoir qui s'exerce au quotidien sous des formes plus ou moins explicites, le plus souvent à l'abri du regard des autres. Les éclats de violence alternent avec des périodes d'accalmie au cours desquelles la partenaire préfère oublier l'épisode trop douloureux et se réfugier dans l'illusion que cela n'arrivera plus, jusqu'à la prochaine fois, parce que malheureusement, oui, il y en aura une. Le même cycle va se répéter, à une vitesse grandissante et en s'amplifiant... Ce mouvement de yo-yo a pour effet d'anéantir les capacités de révolte de la victime - attitude passive qui suscite la stupeur des témoins ou de l'entourage, ne comprenant pas l'absence de réaction de la personne. "Comment est-il possible de se laisser traiter ainsi ?" entend-on parfois lorsque les faits de violence apparaissent au grand jour. D'autres fois, la victime reçoit pour toute réponse : "Mais si tu es si mal, pourquoi ne pars-tu pas ?". L'ignorance des mécanismes en cause dans la violence conjugale conduit quelques fois l'entourage à s'exprimer fort maladroitement, ce qui a souvent pour résultat d'inciter un peu plus la victime au silence. 

De plus, la honte d'être aussi mal traitée, de se sentir quelqu'un qui semble ne pas mériter meilleure considération, de s'être mise en ménage avec un individu brutal et donc d'avoir fait un mauvais choix amoureux, de ne pas trouver la force de se sauver, etc. empêche la victime de parler de ce qu'elle vit chez elle. Elle garde secrets les déboires conjugaux qu'elle subit, préservant ainsi l'impunité de l'auteur des violences. Il y a aussi la peur qui la paralyse, la peur de se retrouver seule, de ne pas réussir à subvenir aux besoins de sa famille, la peur des représailles. Cette peur que le partenaire violent ne supporte pas le départ de sa partenaire ou veuille se venger de son refus d'en pâtir davantage n'est pas que du fantasme. En effet, plus d'un crime conjugal sur trois est lié à la séparation. De nombreuses femmes sont battues pour avoir osé se confier à une amie ou être partie se réfugier chez un voisin ou ailleurs...

La victime a d'autant plus de difficultés à se confier que la violence de son partenaire se dissimule sous un masque social de bon aloi. Il y a l'homme publique et l'homme privé. Il y a celui qui peut se montrer adorable lorsqu'il veut récupérer sa compagne qui n'en peut plus et fait mine de le quitter et celui qu'un rien fait exploser de colère, qui est violent et abjecte. La plupart du temps, ce dernier ne se montre jamais ainsi aux autres qui tombent dans le panneau et sont à mille lieux d'imaginer que ce voisin courtois, cet homme serviable, ce chef d'entreprise que beaucoup admirent est en fait un être exécrable avec les siens. L'homme violent a deux visages, il est mi-ange mi-démon. L'entourage a souvent bien du mal à renoncer à ses anciennes convictions ou croyances pour admettre les faits divulgués par la victime. Il est regrettable que certains, ne pouvant remettre en question leur point de vue, rejettent alors la faute sur la victime, pensant qu'elle a dû provoquer son partenaire ou qu'elle l'a peut-être énervé après une journée de travail harassante, ou minimisent la gravité des actes ou des paroles, essayant de la convaincre qu'il est quand-même un bon père, que cela n'est pas dans ses habitudes et que cela a été plus fort que lui, qu'une gifle ce n'est pas grand chose, etc. Il faut corriger les idées reçues : un homme violent n'est pas un bon père ! un partenaire violent est entièrement et seul fautif des actes ou des paroles de violence qu'il adresse à l'autre, il n'a aucune excuse pour être sorti de ses gonds et avoir perdu le contrôle de ses nerfs, sans compter les cas où l'intention de nuire est franchement délibérée et de la pure cruauté... Il est de la responsabilité de chacun d'aider une personne victime de violence et de ne pas l'enfoncer plus encore en ne se rangeant pas du côté de son persécuteur. Celui-ci n'est déjà que trop habile à inverser le sens de la culpabilité. Alors qu'il a plongé sur la moindre broutille pour laisser libre cours à sa violence, il n'a de cesse de faire croire à son conjoint qu'il méritait la sanction.

Comme tout et n'importe quoi suffisent à déclencher une attaque violente : quelques minutes de retard, un des enfants qui pleurent trop fort, un plat trop peu salé, un verre qui traîne sur la table..., la partenaire s'évertue à aplanir toutes les sources de conflit, à supprimer tous les prétextes pour causer une scène de ménage qu'il fera de toute façon si cela lui chante. Elle s'échine à devancer les désirs de monsieur, à se plier à tous ses caprices, en vain car il ne sera jamais satisfait. Autant dire que la tache est impossible et que la conjointe est constamment sur le qui-vive. La tension est permanente, épuisante. Le combat est perdu d'avance. Elle ne rentrera jamais dans ses bonnes grâces ou pour si peu de temps. La lune de miel prend fin dans l'horreur de la violence. L'effroi et la douleur tétanisent la victime, anéantissent ses forces, son esprit critique, ses capacités de se protéger. Après la première fois, elle s'est raccrochée à l'espoir que cela ne se produirait plus jamais. Même s'il a minimisé les faits, s'il a justifié son comportement par ceci ou cela, il a quand-même dit qu'il regrettait et a juré, le bougre, qu'il ne recommencerait plus. C'est cela qu'elle veut retenir et, petit à petit, elle fait sien le raisonnement de l'autre et endosse un part de responsabilité de plus en plus grande, toujours trop grande, commettant même parfois l'erreur de retirer sa plainte. Mais après la deuxième fois, même si une partie d'elle-même continue à se bercer dans le leurre, l'autre partie sait qu'elle a été bernée, que les choses ne s'arrangeront pas aussi aisément. Pourtant, elle ne prend pas la décision de rompre la relation. Ses ressources physiques et psychiques s'amenuisent dans ce climat tellement désastreux, le piège semble se refermer toujours plus. S'extirper des griffes d'un partenaire violent, que ce soit psychologiquement ou physiquement, n'est jamais une démarche facile, qui semble même de plus en plus ardue avec le temps qui passe.

L'emprise exercée par le conjoint violent est comme de la glue qui colle la victime dans les mailles d'un filet. Certaines fois, les procédés dont se sert le conjoint violent sont tellement insidieux qu'ils agissent en sous-marin, ce qui ne les empêchent pas d'être destructeurs. Les violences sournoises dans le couple sont une triste réalité pour beaucoup de partenaires amoureux, femmes et hommes d'ailleurs, même si ces derniers sont plus nombreux que les femmes à  dépasser le dernier palier de la violence, allant jusqu'à la violence physique à l'égard ou du matériel ou des personnes et terrorisant leur conjointe. Personne n'est à l'abri. Tout le monde peut se retrouver un jour sous l'emprise d'un conjoint violent. Les victimes n'ont pas un profil-type même s'il existe des facteurs de risque et de vulnérabilité : des carences affectives dans l'enfance, une intolérance à la solitude, une piètre estime de soi,... Très souvent, le partenaire abuseur cherche à aggraver les fragilités, à creuser plus profondément les failles de l'autre pour mieux lui couper les ailes et le maintenir à sa botte. Ces tactiques sont hautement perverses !!!

L'aide d'un professionnel psychologue est généralement nécessaire pour analyser la situation, identifier les techniques d'emprise mises en oeuvre par le partenaire et s'en libérer, réparer l'estime de soi du conjoint victime et le soutenir dans sa reconstruction de lui-même, mais aussi le guider dans les démarches concrètes à effectuer.

3. Les moyens de protection

Faire établir un ou des certificats médicaux est essentiel. Même si vous ne vous sentez pas prête à déposer plainte, à rompre avec votre partenaire ou à entamer une procédure de divorce, à chaque fois que vous êtes victimes de maltraitance, faites faire un certificat médical. Les violences conjugales ont des conséquences sur la santé de la personne (traces de coups, traumatismes physiques ou psychologiques) qu'un médecin est habilité à constater. Le certificat peut être accompagné d'une ITT (incapacité totale de travail) selon la gravité des faits, que la victime ait une activité professionnelle ou non. Il peut être utile de joindre des photos des hématomes ou des blessures qui permettent de se rendre bien compte de l'ampleur des atteintes physiques et qui seront précieuses lors des démarches judiciaires, que ce soit au civil ou au pénal. 

Déposer plainte est très important. Les violences conjugales, malgré qu'elles se déroulent dans la vie privée, doivent être portées sur la scène publique, c'est-à-dire dénoncées et punies. Les unités de police ou de gendarmerie doivent recevoir la plainte même en l'absence d'un certificat médical. Celui-ci n'est pas indispensable pour déposer plainte mais constitue une preuve qui compte pour constituer le dossier.  "La victime est recevable à déposer plainte à toute heure auprès de tout service ou unité... L'infraction peut être juridiquement constituée même en l'absence d'un certificat médical qui demeure néanmoins un élément de preuve matérielle essentiel pour la procédure" (Circulaire interministérielle du 8 mars 1999). Il est également possible de porter plainte en écrivant directement au Procureur de la République qui décide de poursuivre ou non l'auteur des infractions à la loi. Lorsqu'une infraction au code pénal est établie incontestablement par les faits, la victime, avec le concours d'un avocat, peut recourir aussi à la citation directe. Si sa plainte est classée sans suite, la victime peut prendre l'initiative des poursuites en se constituant partie civile auprès du Doyen des Juges d'instruction. Il faut savoir que la qualité de conjoint ou concubin de la victime est une circonstance aggravante des violences, que divers articles de loi portent sur différentes sortes d'actes de violence :
    - meurtre, tentative de meurtre, torture, barbarie, mutilation, coups et blessures,
    - administration de substances nuisibles (empoisonnement, injection...),
    - appels téléphoniques malveillants,
    - menaces (de commettre un crime ou un délit, avec ou sans condition), par exemple menacer de tuer ou d'enlever les enfants et d'empêcher la partenaire de les revoir jamais,
    - viol, autres agressions sexuelles, proxénétisme,
    - risques causés à autrui (par exemple, rouler à une vitesse excessive en voiture),
    - entrave aux soins (interdiction par exemple de se rendre chez le médecin), omission de porter secours,
    - séquestration,
    - atteinte à la vie privée, par exemple divulgation des faits privés sans autorisation des personnes concernées
    - introduction et/ou maintien dans le domicile d'autrui.
Il est nécessaire d'apporter les preuves des infractions à la loi, ce qui en matière de violences psychologiques est particulièrement délicat et explique le faible nombre de dépôts de plainte pour ces motifs par rapport aux réalités du terrain.
A la suite d'une décision du juge, l'auteur des violences peut se voir astreint à des limites territoriales, à une interdiction de fréquenter certains lieux, à s'abstenir de rentrer en contact avec certaines personnes, ... Ces mesures ne sont pas incompatibles avec l'obligation de contribuer aux charges familiales.

La plainte doit faire apparaître les éléments suivants :
- l'identité de l'auteur
- l'ancienneté des faits
- leur fréquence
- leur nature (physique, psychologique, etc.)
- le mode opératoire (utilisation d'une arme ou autre objet)
- l'existence d'une arme au domicile (fusil de chasse, etc.)
- les témoins éventuels
- l'entourage et sa connaissance des faits
- la peur ressentie
- les enfants témoins
- les démarches de séparation en cours
- autres plaintes antérieures
- contact avec une association d'aide aux victimes.

Rassembler des témoignages est utile à la fois pour le dossier juridique mais aussi pour le rétablissement psychologique de la victime. Que des témoins attestent des violences qu'elle a subi lui confirme qu'elle n'est pas folle, qu'elle ne s'est pas fait des idées et la déculpabilise. Non, ce n'est pas de sa faute. L'aide des tiers participe à sortir la victime de l'emprise. Pour être valable en justice, un témoignage doit être écrit, manuscrit de préférence, daté et signé, et accompagné d'une photocopie de la pièce d'identité du témoin. (Cliquez pour télécharger un modèle d'attestation). Des parents, amis, voisins, collègues de travail peuvent avoir été témoins de scènes de violence physique ou morale ou avoir vus les séquelles de violence. Ils peuvent témoigner de ces faits, ce qui permet de corroborer les dires des victimes et d'appuyer sa plainte.

Partir peut être la seule solution réaliste. Lorsque la victime est en danger, elle a tout à fait le droit de partir, en signalant ou non son départ auprès des services de l'ordre, et de choisir l'endroit où elle veut demeurer avec ses enfants. Même si la personne n'est pas encore prête pour quitter son partenaire, il est d'une grande utilité d'anticiper sur l'évolution de la situation et de se préparer à un départ en urgence. Il est vivement conseillé de mettre à l'abri, chez un avocat, auprès d'une association spécialisée ou d'amis dont la fiabilité est certaine, les papiers officiels et tous les documents importants ou au moins des copies, ainsi que les éléments de preuve des violences. En voici une liste non exhaustive :
    - carte d'identité, passeport, permis de conduire, permis de séjour, livret de famille
    - carnet de santé, carte de sécurité sociale, carte grise de la voiture, certificat d'assurance
    - carnets scolaires, diplômes, bulletins de salaire, avis d'imposition
    - chéquier, carte bancaire
    - titres de propriété, liste des biens personnels
    - carnet d'adresses personnel
    - quittances de loyer, factures
    - certificats médicaux, témoignages, photos, récépissés de dépôt de plainte, numéro d'enregistrement de main courante
    - ordonnance de décisions judiciaires.
Penser aussi à effacer tous les documents papiers ou informatiques contenant vos adresses e-mails, vos mots de passe de connexion. Certains conjoints éprouvent un malin plaisir à tenter de nuire, à usurper votre identité ou celle de vos correspondants, à essayer de salir votre réputation. Que ces manœuvres malsaines soient répréhensibles ne semblent pas toujours suffisants pour les arrêter. Il vaut mieux prévenir que guérir et éviter de laisser à l'autre la moindre prise.

Prévenir la police ou la gendarmerie, soit directement (mémoriser les numéros d'urgence) si c'est possible, soit par l'intermédiaire d'autrui. Si lors des crises, il est impossible pour la victime d'appeler à l'aide, convenir d'un code, comme une phrase spécifique dite à une amie, peut lui permettre de comprendre le danger et l'urgence et de demander l'intervention des services de l'ordre à la place de la victime. Les enfants doivent également être informés de la conduite à tenir et, ce, d'autant plus que c'est pour eux un traumatisme supplémentaire que de se sentir impuissants. Les tiers doivent savoir que la non-assistance à personne en danger est un délit grave et qu'il est de leur devoir de prévenir les services de l'ordre et de porter secours à quiconque en a besoin.

4. La violence envers les hommes

Il est évident que les femmes ont le désavantage de leur force physique inférieure à celle des hommes et sont de ce fait moins bien outillées pour se défendre ou pour initier une agression. Malgré ce fait indéniable, la violence n'est pas toujours l'apanage des hommes. Le concept d'hommes battus n'est pas une fantaisie. Il existe en effet des hommes violentés par leur femme. Il est d'ailleurs délicat d'évaluer correctement dans quelle proportion ce phénomène se rencontre. Les hommes battus portent moins fréquemment plainte que les femmes, par honte de se laisser frapper alors qu'ils sont physiquement la plupart du temps plus forts que leurs compagnes, par crainte d'être ridiculisés par leurs interlocuteurs ou encore pas crus, par peur aussi d'engendrer une séparation litigieuse et de perdre leurs enfants... De plus, d'autres faits de violence ne sont pas recensés tels que les fausses allégations d'attouchement sexuel sur les enfants, l'aliénation parentale consistant à manipuler un enfant pour le dresser contre l'autre parent, etc. La perversion n'est pas réservée à l'un ou l'autre sexe. Il faut également garder en tête la possibilité qu'un partenaire pousse l'autre à bout justement dans le but qu'il faute et de porter plainte contre lui ou elle...    

5. Loi du 9/07/2010

Avertissement : je ne suis pas une spécialiste du Droit si bien que les informations ci-dessous sont données à titre indicatif. Chaque situation étant unique, il est nécessaire de prendre les conseils d'un juriste lorsque l'on est victime de violence. 

Le 9 juillet 2010, la loi n°2010-769, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, a été votée et, le 30 septembre 2010, son décret d'application (n°2010-1134) est paru au journal officiel. Ces textes modifient les dispositions du droit pénal et de procédure pénale afin de renforcer la lutte contre les violences commises au sein du couple. Il s'agit d'une véritable avancée puisque la répression des violences est renforcée, l'effectivité des mesures d'éloignement favorisée, la notion de violence enfin explicitement élargie à la violence psychologique et au harcèlement moral au sein du couple qui peut se caractériser par une succession de comportements insignifiants isolément mais dont l'accumulation entraîne une dégradation des conditions de vie de la victime et porte atteinte à son intégrité psychique. Ces faits sont passibles de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende quand ils ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours ou n'ont pas entraînée, de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende quand l'incapacité de travail est supérieure à 8 jours.

Il y aura lieu de mettre en place une formation spécifique en matière de prévention et de prise en charge des violences conjugales, destinée aux médecins, aux personnels médicaux et paramédicaux, aux travailleurs sociaux, aux agents des services de l’état civil, aux agents des services pénitentiaires, aux magistrats, aux avocats, aux personnels de l’éducation nationale, aux personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs et aux personnels de police et de gendarmerie. Une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple devra être dispensée à tous les stades de la scolarité.  Des actions de sensibilisation à la lutte contre les discriminations, aux enjeux de l’égalité entre les femmes et les hommes, aux violences faites aux femmes et aux violences commises au sein du couple devront continuer à être menées.

L'auteur incriminé peut être le conjoint, le partenaire lié par un PACS ou le concubin mais aussi l'ancien conjoint, concubin ou partenaire de la victime. Les violences habituelles sont punies également lorsqu'elles concernent le conjoint (au sens large) ou l'ex-conjoint et plus seulement lorsqu'elles touchent un mineur de 15 ans ou une personne vulnérable. La circonstance aggravante que constitue la relation de couple s'applique maintenant aussi lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint après la séparation. Les peines encourues pour des menaces proférées à l'encontre de son conjoint plus lourdes.

Lorsque les violences conjugales ou exercées par un ancien conjoint mettent en danger la victime ou les enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection. En effet, il est compétent pour
- interdire à la partie défenderesse (l'auteur) de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par lui, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;
- interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant lui ordonner de remettre au greffe contre récépissé les armes qu'elle détient ;
- statuer sur la résidence séparée des époux, des conjoints ou des concubins, en précisant à qui sera attribué le logement conjugal et sur la prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance du logement est attribuée à la victime ;
- se prononcer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, sur la contribution aux charges du mariage, sur l'aide matérielle pour les partenaires d'un PACS et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants (pension alimentaire) ;
- prévoir que la remise de l'enfant à l'autre parent s'effectue dans un espace de rencontre qu'il désigne ou avec l'assistance d'un tiers de confiance ou du représentant d'une personne morale qualifiée quand l'intérêt de l'enfant le commande ou quand la remise directe présente un danger pour un des parents ou pour l'enfant ;
- autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence ;
- prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la partie demanderesse ;
- ordonner l'interdiction de sortie du territoire de l'enfant, d'une durée maximale à deux ans ou ordonner cette interdiction sans l'autorisation des deux parents (cette interdiction est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République).
Ces mesures, d'une durée maximale à 4 mois, peuvent être prolongées si durant ce délai une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée. De plus, le juge aux affaires familiales peut, à tout moment, à la demande du ministère public ou de l'une des parties, modifier cette ordonnance de protection.

Les auteurs qui ne respectent pas l'interdiction de rencontrer ou d'entrer en relation avec certaines personnes, de résider ou de paraître au domicile du couple peuvent faire l'objet d'une rétention. Les forces de l'ordre peuvent intervenir immédiatement sur appel de la victime et appréhender la personne.

Un auteur dont la dangerosité a été reconnue par une expertise médicale et condamnée à une peine de prison d'au moins 5 ans pour des violences commises sur son conjoint et/ou sur les enfants (les siens mais aussi ceux de son conjoint) ou sur son ex-conjoint ou pour des menaces peut être placée sous surveillance électronique mobile ou assujettie au suivi socio-judiciaire. Le suivi socio-judiciaire est obligatoire quand les violences ont été commises sur un mineur de 15 ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, sauf en cas de condamnation à une peine assortie d'un sursis avec mise à  l'épreuve ou si le tribunal correctionnel ne le considère pas comme nécessaire mais il doit motiver sa décision ou si la cour d'assise en a délibéré autrement.

Une ordonnance de protection peut être délivrée par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé et une interdiction temporaire de sortie du territoire pour cette personne peut être décidée. L'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" et ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Si la personne mise en cause est définitivement condamnée, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte pour des faits de violence. 

Des conventions avec les bailleurs de logements doivent être passées pour que soient réservés des logements à destination des personnes victimes de violences, protégées ou ayant été protégées par une ordonnance de protection, y compris lorsqu'elles sont propriétaires de leur logement mais contraintes de le quitter du fait des violences subies ou des menaces de violence.

Le refus de contracter un mariage ou de conclure une union constitue une circonstance aggravante pour les infractions relatives aux meurtres, tortures ou actes de barbarie, violences volontaires ou agressions sexuelles. Lorsque ces faits sont commis à l'étranger à l'encontre d'une personne résidant habituellement sur le territoire français, les poursuites peuvent être engagées par le ministère public même en l'absence de plainte préalable de la victime... et le droit français s'applique. Les autorités consulaires françaises prennent les mesures adaptées pour assurer, avec leur consentement, le retour sur le territoire français.

Quant aux allégations de dénonciation calomnieuse, la fausseté du fait dénoncé ne peut résulter que d'une décision judiciaire d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

On sent la volonté du législateur de prendre en compte les difficultés spécifiques des personnes victimes de violences conjugales. C'est une avancée et un texte sur lequel peut s'appuyer toute personne désireuse d'agir pour que ce fléau recule ou simplement voir respecter sa personne.

Liens utiles

http://stop-violences-femmes.gouv.fr/
http://www.sosfemmes.com/
Interview dans Le Dauphiné Liberé

Bibliographie

LEVERT, I., Les violences sournoises dans le couple. Paris, Robert Laffont, coll. Réponses, 2011.

LEVERT, I. Les violences sournoises dans la famille. Paris, Robert Laffont, coll. Réponses, 2016.

Isabelle LEVERT
Psychologue clinicienne
Psychothérapeute

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