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Isabelle LEVERT

Psychologue clinicienne

Psychothérapeute

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L'estime de soi

Une force qui se construit

L’enjeu de la petite enfance est la confiance de base d’où découle l’Espérance c'est-à-dire la conviction intime que l’avenir nous réserve du positif. 

La régularité des comportements des figures d’attachement permet d’organiser peu à peu les expériences d’interactions en « schémas d’être avec » qui permettent de construire des attentes par rapport à la nature des interactions avec la figure d’attachement. Ces attentes sont intégrées dans des représentations mentales : les modèles internes opérants (MIO). Ces MOI, qui synthétisent les expériences passées, sont construits au cours des premières années, à partir d’expériences réelles et portent à la fois sur la figure d’attachement, sur la manière dont elle répond lorsqu’elle est sollicitée, et sur le sujet lui-même et sa capacité à susciter l’attention de la figure d’attachement. A partir des travaux d’Ainsworth (1979), on distingue ainsi différents types d’attachement* : détaché, sécurisé, préoccupé. Le sentiment de sécurité est donc le fruit au niveau émotionnel de l’obtention de la proximité ou de la disponibilité de la figure d’attachement.

Quand l’univers proposé à l’enfant est chaotique, que la satisfaction est trop aléatoire, à la place de la confiance, émerge la méfiance tant à l’égard des proches que de soi. Les premières constructions mentales, à savoir les représentations de l’autre et de soi sont entachées. Le sentiment de persécution et le sentiment d’être indigne de recevoir ou incapable de donner et plus encore la sensation de vide abîment la constitution de l’autre – désigné par le terme « objet » en psychanalyse – et le narcissisme du sujet, avec pour conséquence, des sentiments d'impuissance et d'échec. Au cours de sa vie, le sujet recherche la reconnaissance mais n'en est jamais convaincu ou rassasié

La confiance de base et l’Espérance, qui en découle, sont les fondations sur lesquelles s’imbriquent l’estime de soi qui est le socle de l’identité du moi. La qualité de ce support est décisive quant au possible dépassement de la crise normative au moment de l’adolescence et du début de l’âge adulte. Défaillant, il aboutit à un escamotage pernicieux de la crise identitaire.

L’estime de soi se manifeste par la fierté ou non d’être qui nous sommes. Elle résulte d’une évaluation continue de nos actions. Si celles-ci sont en accord avec nos valeurs, l’appréciation est positive et renforce l’estime de soi et, inversement, les comportements en contradiction avec nos valeurs conduisent à une dévalorisation de soi. Lorsque l’estime de soi est tellement faible, le sujet ne peut croire qu’il sera apprécié tel qu’il est. A ses propres yeux, il est un nul, indigne d’être aimé et accepté. Il reste en retrait afin de ne pas être rejeté de sorte que, comme il se replie sur lui, le regard d’autrui ne peut corriger l’image qu’il a de lui-même. La conviction d’être un moins que rien s’auto-entretient.

En outre, l’estime de soi joue un rôle considérable sur la façon de mener sa vie, d’imaginer son avenir et d’initier ou non des projets. La capacité de s’appuyer sur ses points forts fait que les difficultés sont perçues mais la personne ne s’y arrête pas, animée de la conviction qu’elle pourra les surmonter ou les contourner. Seul l’objectif importe. A l’inverse, une faible estime de soi s’accompagne d’une tendance à souligner ses défauts et ses lacunes et à se décourager rapidement, d’où il ressort une paralysie des projets. En bref, la chance sourit aux audacieux et qui ne tente rien n’obtient rien. L’individu téméraire rencontre bien sûr des écueils mais il se donne aussi la possibilité d’atteindre son but alors que celui qui, les bras ballants, reste sur la rive se morfond. Tôt ou tard, celui qui s’est investi, avec persévérance, en vue d’améliorer sa condition récolte les fruits de ses efforts. Le véritable danger est de perdre sa vie par crainte de la risquer. Au plus le temps passe sans que l’individu ait réalisé aucun de ses rêves, au plus l’estime de soi baisse et au moins il y a de chances de la voir remonter.

Par ailleurs, une situation n’est problématique et inquiétante, voire stressante, qu’aussi longtemps que l’on ne trouve pas d’issue pour en sortir. Entrevoir la solution fait partie du processus de résolution de problème. Élaborer le plan d’action, c’est déjà être en action et cela permet de calmer les affects déplaisants. Un individu contraint à la passivité est obligé de déployer d’autres stratégies pour contrôler l’angoisse. Ainsi on peut concevoir que la personne, entravée par une piètre estime d’elle, subisse passivement les événements sans trouver la force de déployer les comportements efficaces et qu'elle soit submergée par l’anxiété ou l’angoisse. C’est ainsi que de nombreux individus rêvent leurs vies sans jamais essayer de concrétiser leurs aspirations, se sentant si peu à la hauteur ou ayant bien trop peur de se vautrer qu’ils se coupent de leurs potentialités. La comparaison avec leurs contemporains et me constat de leurs réalisations a l’effet d’un miroir et l’image est piteuse.

La fragilité de ces personnes aboutit également très souvent à une distorsion de la relation amoureuse. Tout d’abord, vu qu’elles s’accordent peu de valeur, elles sont constamment sur la défensive. Elles doutent de l’amour de leur partenaire et chaque dispute engendre un vent de panique, comme si l’issue catastrophique présumée du conflit était certaine. Ensuite, comme elles ne s’aiment pas elles-mêmes, elles ne peuvent pas concevoir qu’on les aime et qu’on les admire. Le(a) partenaire devient méprisable d’avoir à ce point de la boue devant les yeux et d’aimer une personne comme elle et se perdent toutes les réparations affectives qu’une authentique relation de couple peut apporter.

Bien évidemment, le niveau de l’estime de soi n’est pas fixé une fois pour toutes. Il est fonction de plusieurs paramètres. La sécurité de base est le premier élément sur lequel la confiance en soi se fonde. Par la suite, l’identité, l’appartenance, la compétence et la détermination interviennent pour moduler l’estime de soi. A condition, que les oscillations n’atteignent pas des seuils critiques, ces variations insufflent une énergie supplémentaire à la dynamique du désir. De fait, régulièrement l’être humain module le cadre de son existence afin de retrouver un niveau acceptable d’estime de soi. Par contre, lorsque l’estime de soi est excessivement basse, il ne trouve plus la force de se redresser et de faire face correctement ; la course désirante devient alors mortifère. Le système défensif mis en place pour parer à l’angoisse est pathologique dans la mesure où il n’est pas adapté aux normes comportementales de vie communautaire admises par la majorité et il est pathogène puisqu’il ne permet pas à l’individu de sortir de sa problématique et d’évoluer vers le mieux-être.

En conclusion, une bonne estime de soi est un préalable indispensable à l’admiration, à la confiance et au respect qui sont trois piliers de l’amour. Ces composantes de base sont nécessaires pour que l’attachement ne se transforme pas en dépendance affective, prison psychique où la liberté d’épanouissement de chacun est réciproquement entravée par les besoins infantiles hérités d’un passé non dépassé. Le niveau de l’estime de soi n’est jamais définitivement établi. Toutefois, lorsqu’il se maintient bas, voire très bas, sur de longues périodes, il semble indépendant des circonstances de la vie et plus intimement lié à l’image que la personne a d’elle-même. Il y a alors lieu d’entamer un travail de réconciliation avec son passé et avec soi-même afin de relancer les possibilités évolutives de la personne.

*  Les Troubles de l'Attachement sont une affection mentale qui peut toucher des enfants victimes d'une rupture du lien mère-enfant, rupture qui trouve son origine dans des événements traumatiques de la toute petite enfance (avant l'âge de 18-24 mois.) Pour ce qui concerne la rupture, il ne faut pas se centrer exclusivement sur l'adoption où celle-ci est évidente. Il existe en effet également un risque de cassure chez d'autres enfants suite à des situations comme la maladie de la mère ou de l'enfant, une grossesse difficile, un séjour de l'enfant en couveuse, le décès de la mère, le placement précoce de l'enfant en famille d'accueil ou en institution, …

Isabelle LEVERT
Psychologue clinicienne
Psychothérapeute

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