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Isabelle LEVERT

Psychologue clinicienne

Psychothérapeute

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Le passif-agressif et sa compagne

Une spirale destructrice

Cet article, diffusé sur mon site internet depuis 2007, donne un aperçu des comportements que l'on peut qualifier de « passivité agressive », avec en parallèle les difficultés que cela engendre pour le partenaire. Les nombreuses causes possibles sont seulement listées ici. Le lecteur trouvera des développements supplémentaires dans mes livres. A noter que le troisième ouvrage "Les différents visages des passifs- agressifs", paru en 2021 aux éditions Guy Trédaniel, est le fruit d'un travail de clarification car la notion de passivité-agressive a souvent été mal utilisée par le lecteur.

Tous ou toutes, à un moment ou un autre, nous avons adopté un comportement que l’on peut qualifier de « passif-agressif », dans la mesure où, par notre silence, notre indifférence affichée, notre éloignement, nous avons ignoré consciemment ou inconsciemment le besoin d’être en relation de notre partenaire. Cette attitude témoigne souvent d’une colère qui est ruminée au lieu d’être exprimée, d’un repli sur soi à la place d’une communication franche. Cette façon de réagir à la contrariété ne tient nullement compte des attentes d’authenticité de l’autre. Au sein d’une relation amoureuse, cette sorte de passivité est tout particulièrement vécue comme un manque d’attention, une négligence qui blesse. Dans le sens où la souffrance et l’irritation qu’elle engendre sont même parfois reprochées à la personne, où une absence de culpabilité fait place à un renversement de rôle, on peut parler de violence psychologique. Lorsque ces comportements deviennent répétitifs et s’impriment comme un mode de fonctionnement habituel, on n’est plus en présence d’un comportement banal mais devant un problème plus sérieux.
Comment reconnaître la passivité agressive ? Comment est-elle ressentie ? Ces questions sont importantes puisque ce problème peut conduire un couple à la rupture alors que toutes les chances étaient réunies pour qu'il prospère.

Les caractéristiques du passif-agressif doivent être considérées comme des repères pour éclairer des relations conflictuelles, nullement comme des critères pour établir un diagnostic (qui relève des compétences d’un professionnel). Nous présentons en parallèle les difficultés des compagnes des hommes passifs-agressifs afin qu’elles trouvent des éléments pour mieux comprendre ce qui leur arrive dans de telles situations. Il serait bien trop réducteur d'attribuer les causes de ce mode de fonctionnement à un manque d'amour. Les causes possibles sont nombreuses et simplement énoncées ici, examinées plus en détail dans l'ouvrage de référence, tout comme l'épouvante d'Echo, la nymphe qui illustre la traversée des conjointes du fait que les capacités d'aimer de leur partenaire sont abîmées. 

Le choix des genres est arbitraire par facilité d'écriture. Le lecteur rectifiera selon son cas.

Dans un troisième temps, nous montrerons comment l’enchaînement des actions de l’un et des réactions de l’autre participe au maintien, voire aggrave, les conflits au sein du couple.
Enfin, nous indiquerons des voies pour remédier à cette dynamique particulière et pathologique.

1. Quelques comportements passifs-agressifs et effets sur le conjoint

Comportements du passif-agressif

 Effets sur le conjoint

il alterne entre affection, tendresse, mots d’amour et une sorte d’indifférence, de froideur, de détachement

elle est en proie à la confusion et au désarroi face aux états contradictoires de son partenaire

il ne parle pas ou peu de lui et de ses sentiments

elle est à l'affût des signes qui parlent à sa place

il peut se sentir coupable de refuser quelque chose et souvent n’ose pas dire « non »

elle demande de moins en moins de choses afin qu'il ne ressente aucune contrainte

il n'exprime pas ce qui le contrarie

elle se reproche de ne pas avoir deviné ce qui se passe

il situe les difficultés chez l’autre

elle a le sentiment d'être seule à se remettre en question et à faire des efforts

il a toujours une bonne raison pour justifier ses actes, paroles ou attitudes

elle se sent désemparée

il ressent toute remarque comme un reproche ou une critique

elle a la sensation de marcher sur des oeufs et utilise maints détours pour exprimer ce qui lui tient à cœur

il irrite l’autre par son attitude ou par ses non-dits et lui fait ensuite le reproche de s’être emportée

devant la culpabilisation par l’autre, elle s'auto-reproche d’avoir perdu son calme, oubliant que sa colère était légitime

il reste souvent silencieux ou répond laconiquement, lorsqu’un problème le mettant en cause est évoqué

elle le sent fuyant et peu collaborant

il stoppe un échange quand lui en a assez sans se préoccuper des besoins de l’autre

son égocentrisme l'exaspère

il peut être souriant, de bonne humeur et gentil en présence d'amis mais l'ignorer quand ils ne sont plus qu'à deux

cette modification du comportement lui fait l'effet d'une douche froide et devant un tel mépris, elle traverse l'enfer

quand il se met en colère, il ferme tous les canaux de communication

elle subit son retrait et, impuissante, oscille entre rage et désespoir

il ne s'investit pas vraiment dans la relation et justifie cela au moyen des crises répétitives

elle fait le maximum mais, face à son manque d'investissement, le malaise grandit...

il se montre prêt à arrêter la relation si les choses ne s'arrangent pas

elle vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête et est sur le qui-vive pour éviter tout heurt

[...]

 

Le tableau complet figure dans le livre "Les violences sournoises dans le couple"

2. Les causes de la passivité-agressive

Le comportement passif-agressif a plusieurs causes qui ne s'excluent pas l'une l'autre. Les principales sont :

- le passage à l'acte par le silence

"[...] En effet, dans cette configuration de l'esprit, la bouche qui embrasse et évoque l'amour est la même que celle qui se tait et qui tue. La relation à l'autre est bâtie sur des faux-semblants et sur le non-dit d'une méfiance intrinsèque vis-à-vis de l'autre. [...]" (extrait de "Les violences sournoises dans le couple")

- l'aversion pour le conflit ouvert

"[...] La conjointe est mise en demeure de jouer, à ses dépens, un rôle cynique, dans un théâtre macabre, où elle fait les questions et les réponses. Un monologue éreintant, ponctué de silences, sans nul résultat sauf celui de réaliser le fantasme du provocateur [...]" (idem)

- la phobie de l'engagement

"[...] Il veut s'abandonner à l'amour mais il n'y arrive pas. En même temps qu'il désire vivre cette intensité sentimentale, il craint de souffrir ce qui pour lui n'est pas une chose éventuelle mais un danger probable qui freine tout investissement affectif de soi. [...]" (idem)

- un désordre narcissique

"[...] Dans le secret du silence, plutôt que d'être mutilé, le sujet mutile. C'est au désir qui pourrait donner à l'autre une certaine importance dans son existence qu'il essaie d'échapper. [...]" (idem)

- des défenses perverses : l'induction intersubjective, la déprédation morale, la disqualification du lien créé, la perplexité et la confusion, la paradoxalité.

3. La spirale infernale dont le couple est victime

Aimer implique d'être actif, d'aller au-delà des apparences et de chercher à connaître l'autre. Voilà le piège dans lequel tombe la compagne du passif agressif lorsqu'elle tente de le comprendre et qu'elle lui offre de confronter ses suppositions, ses interrogations ou ses hypothèses et qu'elles résonnent chez lui mais qu'au lieu d'une prise de conscience salvatrice pour le couple, cela ne fait que renforcer les résistances.

Donner au sujet passif-agressif une interprétation de ses comportements est dangereux et génère une spirale infernale pour plusieurs raisons. En effet, c'est rentrer dans une intimité si grande avec lui qu'elle pourrait être insupportable, tellement il redoute de perdre à nouveau le contrôle. Il peut le ressentir comme une dépossession de soi, avec le risque que cette déplétion narcissique entraîne une lutte à ce niveau et qu'il devienne en quelque sorte vital, pour colmater les brèches, de prouver à l'autre qu'il est dans l'erreur, qu'il n'a rien compris. C'est comme si pour se préserver il fallait en permanence se soustraire à l'autre, ne jamais être découvert car cela signifierait être à la merci de l'autre et non pas simplement aimé de l'autre. A noter que Eiguer différencie l'emprise régressive qui s'attaque aux sources de vie psychique de l'autre et l'emprise fonctionnelle qui "est sensible au fait que l'autre est à choyer car il offre une satisfaction au sujet" (EIGUER, A., Le pervers narcissique et son complice. Paris, Dunod, 1989, p. 76). Il vaut donc mieux faire appel à un(e) psychologue.

On peut aussi penser que ces sujets peinent à occuper la position "et si c'était vrai ou juste..." qui permet d'adopter un autre point de vue, d'éventuellement douter de soi et de changer. Ils s'accrochent à des positions objectivantes, réalistes et concrètes. Des faits tangibles ils tirent des vérités qui concernent la sphère intra-psychique, sans s'ébranler de cette confusion de registre. 

4. Les voies à explorer pour sortir de l’impasse

Il faut privilégier à tout prix la communication non violente, c'est-à-dire celle qui a pour but de décrire votre ressenti, face à un comportement précis et d'émettre des propositions de solution. Ce n'est pas la personne qui est en cause mais sa façon d'agir.

Si votre relation de couple n'est pas encore à bout, une consultation conjugale est vivement préconisée. Le ou la psychologue explorera plus amplement la problématique, car la passivité-agressive n'est pas en elle-même un diagnostic, et indiquera en fin de séance ses préconisations. Soit une thérapie conjugale , dans les cas où les partenaires sont tous les deux disposés à travailler pour retrouver l'harmonie au sein de leur relation de couple. Par contre, face à une personnalité perverse ou présentant des traits pervers de façon prononcée, une démarche commune est à proscrire totalement. Partir du principe qu'une relation de couple se construit à deux et que si elle va mal il est bon de s'en occuper ensemble n'est donc pas toujours valable. S'il est trop tard pour entrevoir une issue à deux mais que vous avez pris conscience de vos travers et de votre responsabilité dans cet échec sentimental, il est quand-même temps de comprendre ce qui se passe en vous afin de ne plus reproduire indéfiniment le même scénario. Il n'est pas nécessaire pour cela de passer des années sur le divan mais d'entreprendre et de mener jusqu'à son terme une psychothérapie dont les résultats dépendront de votre investissement dans la démarche et de votre honnêteté avec vous-même avant tout. 

Bibliographie

LEVERT, I., Les violences sournoises dans le couple. Paris, Robert Laffont, coll. Réponses, 2011.

Isabelle LEVERT
Psychologue clinicienne
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